Briques de l'Eglise de savennieres

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L’échantillonnage

• Sur un total de 46 briques, l’essentiel (35) provient directement des maçonneries de la nef (UE 50). Les autres ont été récupérées dans des maçonneries postérieures hautement susceptibles de réutiliser les matériaux issus de la nef (UE 42, 70). Dans le cadre d’une réflexion plus diachronique, un échantillon prélevé dans une restauration contemporaine (UE 46) a été ajouté au corpus.

Deux méthodes de prélèvement ont été utilisées :

• le carottage et la récupération de briques entières (prélèvement lors de la restauration). Les carottes, de 25 mm de diamètre, ont été prélevées autour de l’angle nord-est de la nef en mai 2021 (B-1 à 18). Trois autres échantillons sont des fragments de carottes prises pour la datation OSL, avec un diamètre de 45 mm (B-33, 34 et 45 correspondant respectivement aux échantillons OSL-B3, 4 et 12). Les autres échantillons proviennent de la récupération des briques altérées dont le remplacement a été décidé par l’architecte (B-19 à 32, 46), ou de fragments trouvés lors du démontage des cache-moineaux (B-38 à 44). Tous les échantillons proviennent de briques d’un type similaire sauf un fragment de tegula (B-44)

Méthodes employées pour l’analyse pétrographique

• Dans chaque échantillon a été préparée une lame mince d’environ 25 µm destinée à l’observation au microscope polarisant. Sont relevés le type de minéral, la taille, l’abondance et la forme des grains, la porosité, la couleur de la pâte en lumière polarisée non analysée (LPNA) et analysée (LPA). Ces observations permettent une détermination minéralogique (Roubault et al. 1982 ; MacKenzie et al. 1992). Une analyse micromorphologique a été aussi expérimentée. Elle se base sur des études faites sur des briques crues (Cammas 2018), sur les poteries (Quinn 2022) ainsi que sur des briques cuites (Ingham, 2013). Une fiche synthétique a été poroduite pour chaque échantillon (annexe).
• La nature minéralogique et la morphologie des grains ont permis de regrouper les échantillons qui présentent une répartition similaire.

Résultats et interprétation

• Dans cette partie nous aborderons la description des lames minces de briques sous l’angle de la minéralogie puis sous l’angle de leur micromorphologie. Ces données seront ensuite analysées et discutées ensemble.

Description minéralogique

• Le corpus de 46 briques se divise en trois groupes minéralogiques établis uniquement sur la nature des grains (figures 64 et 65).

Groupe Minéralogique 1

• Il rassemble la majorité des briques (toute sauf SAV-15 et SAV46) mais montre une composition malgré tout hétérogène. La constante est un dégraissant minéral très abondant dont une grande majorité de grain de quartz (figure 66). Les autres minéraux n’égalent que rarement l’abondance du quartz. On retrouve aussi de manières systématique des grains d’orthose et des baguettes de muscovite dont l’abondance est généralement moyenne (figure 67). Les grains de plagioclases (figure 68) sont aussi présents dans tous les échantillons mais avec des abondances généralement plus faibles que les grains d’orthose et les baguettes de muscovite. Des grains d’orthopyroxènes sont aussi présents dans quasiment tous des échantillons. Ce minéral est très rarement associé à un grain de quartz ou d’orthose (figure 69). Au premier abord ces grains pourraient être déterminées comme des biotites. En effet, on retrouve un pléochroïsme important allant du vert pâle au rouge sombre. Les couleurs en lumière polarisée sont du second ordre. Cependant, les grains sont plus trapus que les baguettes de biotite. Le relief est plus marqué pour l’orthopyroxène. La biotite a des clivages parallèles marqués dans le sens de l’allongement, tandis que l’orthopyroxène dispose de clivages perpendiculaires. Pour finir le relief est plus important que pour les biotites (figure 70).

On trouve ensuite plusieurs minéraux comme des baguettes de biotite (figure 71). Plus rarement on observe des grains d’hornblendes (figure 72) et des grains de microclines (figure 73). On peut aussi noter la présence de baguettes ou fibres de sillimanite souvent associée à des grains de quartz (figure 74). Dans plusieurs échantillons on retrouve des minéraux rouges à la fois en LPNA et en LPA de quelques dixièmes de millimètres dont la nature reste inconnue.

• Tous les échantillons présentent des fragments de roches (lithoclastes) et l’on retrouve très fréquemment des roches volcaniques ainsi que des lithoclastes de quartzite (figure 75). On trouve aussi régulièrement des fragments associant quartz et muscovite (figure 66). Les fragments de roches volcaniques sont toujours de forme arrondie et allongée (figure 76). Une matrice noire opaque plus ou moins abondante entoure des baguettes de feldspath. Ces baguettes présentent des macles polysynthétiques caractéristiques qui en font probablement des plagioclases. Ces baguettes de plagioclases que l’on trouve dans ces clastes se différencient nettement des grains de plagioclases seuls qui ont une taille souvent bien supérieure. On a donc deux roches différentes pour l’origine des plagioclases.

• On peut remarquer que la matrice des lithoclastes volcaniques est mouchetée par des points noirs opaques. Sur certains lithoclastes de ce type on peut observer de l’olivine, de l’augite ainsi que des orthopyroxènes qui diffère de ceux décrit plus haut.
• D’autres lithoclastes moins fréquents sont présents. Ils associent deux à trois des minéraux suivants : quartz, muscovite, orthose, microcline, sillimanite, orthopyroxène et plagioclase.
• De nombreux échantillons de brique présentent des grains avec des structures cristallines qui mélangent deux espèces minérales. On a les structures granophyriques (figure 77), les pérthites et les myrmékites. Les perthites correspondent à des minéraux de feldspath sodique qui se forment dans un minéral de feldspath potassique (orthose) (Roubault et al., 1982). Les structures granophyriques et les myrmékites sont des associations de quartz et respectivement de feldspath alcalin (par exemple l’orthose) et de plagioclase (MacKenzie et al., 1992).
• On peut noter la présence d’un grain de cristobalite dans SAV-08 (figure 78).
• Tous ces éléments montrent distinctement au moins deux origines lithologiques. D’une part, on a des minéraux typiques d’un granite (figure 79) : quartz, orthose, plagioclase, micas, hornblende et microcline. Dans ce cortège granitique classique on a plusieurs minéraux qui pourraient indiquer un fort métamorphisme de ce pluton. Tout d’abord, les quartz ont une extinction roulante qui indique qu’ils ont subi une contrainte. Ensuite, la sillimanite se forme dans des conditions de forte pression et fort température (Deer et al., 2001 : p. 727).
• On aurait donc affaire à une argile issue d’un orthogneiss plutôt qu’un granite Les orthopyroxènes sont fréquemment présents dans les roches en déficit de silice (gabbro, serpentinite, roche ultrabasique…) mais on peut les trouver dans certains granites dit charnockites.
• Dans le cas des briques de Savennières, on les trouve associés dans des lithoclastes à des grains de quartz ou de feldspaths (figure 69). On ne trouve jamais de ces orthopyroxènes dans les fragments de basaltes

• On a donc une origine probablement granitique, auquel cas il s’agirait probablement d’hypersthène (qui fait partie des orthopyroxène) (Roubault et al., 1982).
• D’autre part, les lithoclastes volcanique arrondis et allongé dispose d’un cortège minéral typique d’un basalte (figure 79) (MacKenzie et al., 1995) : olivine, plagioclase, augite et orthopyroxène. C’est donc une roche basique qui se distingue bien de la roche acide décrite plus tôt.

Groupe Minéralogique 2

• Ce groupe ne contient qu’un seul échantillon : SAV-15. Ce groupe ne contient que peu de minéraux. On trouve surtout des grains de quartz, des grains d’orthose et de rares baguettes de micas. Les lithoclastes associent régulièrement quartz et orthose. On trouve aussi de nombreux fragment de calcaire micritique parfois sous forme de fossiles (figure 80). Un autre type de lithoclaste plus rare est observable. Il s’agit de grains arrondis et aplanis de pélites composées de petits grains de quartz dans des lits argileux (figure 81)

Groupe Minéralogique 3

• Composé uniquement de la brique SAV-46, il se distingue par une diversité minéralogique bien moins grande. Il ne contient que des quartz et orthoses ainsi que de rare muscovites. Les grains sont systématiquement arrondis lorsqu’ils sont suffisamment grands. Le groupe minéralogique 3 se distingue aussi par le fait de n’avoir aucun autre minéral ou claste.

Conclusion :

• L’analyse des 46 briques provenant de la nef de la seconde moitié du Ve siècle et du début du vie siècle ainsi que de quelques maçonneries plus récentes, permet de faire ressortir plusieurs éléments.
• La grande majorité de l’argile ayant servie à la fabrication des briques de l’église de Savennières provient sans doute d’un lieu unique. La roche mère de l’argile utilisée pour confectionner ces briques est très certainement une roche détritique. Les meilleurs candidats sont les schistes et arkoses de Bains qui entoure l’orthogneiss de Saint-Clément-de-la-Place à une douzaine de kilomètres au nord de Savennières.
• On peut aussi prendre en compte l’USGL (Unité de Saint-Georges-sur-Loire) qui contient des roches à la fois acides et basiques. Des zones de colluvions argileuses sont présentes à moins de 5 km de Savennières et pourrait avoir servi de matière première. On notera qu’une brique (SAV-15) se distingue par une origine différente dans le Bassin parisien. Concernant la méthode de fabrication, il semble que les briques aient été façonnées grâce à un moule posé dans lequel on pousse l’argile.
• Le plan de travail dispose probablement d’une couche fine de sable qui évite à la brique d’y coller. L’argile utilisée est sommairement mélangée comme l’attestent les fragments intacts de la roche argileuse d’origine. La cuisson n’est pas uniforme et a pu être faites via cuisson en meule. L’hétérogénéité de l’aspect des briques s’explique peut-être par une fabrication en plusieurs lots ainsi que l’hétérogénéité de l’affleurement d’origine.
• Les briques de l’église de Savennières : sont un élément-clé de la construction initiale de la nef (IVe-VIe siècle), utilisées à la fois pour leur rôle structurel (chaînages, bandeaux) et décoratif (arêtes-de-poisson, archivoltes). Leur origine est majoritairement locale, avec un usage significatif du réemploi de matériaux antiques. Leur composition, à base d’argile locale, est typique des productions artisanales de l’époque, ce qui a contribué à la datation précise de la nef et à la compréhension des techniques de construction du haut Moyen Âge.

Source : Rapport Final d’Opération par Arnaud REMY

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