le chenin: ampelographie

 

Récolte du raisin -

 

    • L’ampélographie est une branche de la botanique qui se consacre à l’identification et à la classification des cépages de vigne. Elle repose sur l’analyse de caractéristiques spécifiques comme la forme des feuilles, les grappes et les baies. Ce terme dérive du grec ancien, où ampelos signifie « vigne » et graphie, « étude ».

      L’origine de l’ampélographie remonte au XVIIIe siècle, période où la demande pour une classification systématique des vignes est devenue essentielle pour la viticulture. Celle-ci a gagné en importance au XIXe siècle avec les crises viticoles, notamment l’épidémie de phylloxéra. Des chercheurs comme Victor Pulliat ont contribué à codifier cette science en établissant des critères d’identification précis pour chaque cépage. Vous pouvez retrouver aujourd’hui ses traces dans des disciplines modernes comme la génétique de la vigne

    • Nom, étymologie, synonymie et homonymie

    • Le nom de Chenin a bien sûr été cité, et semble-t-il pour la première fois, en 1534, par François Rabelais dans son œuvre : La vie très horrifique du grand Gargantua père de Pantagruel, jadis composée par M. Alcofribas, abstracteur de quinte essence, Livre plein de pantagruélisme, où l’on trouve cette phrase (Livre I, Chapitre XXV) : « Et, avec gros raisins chenins, estuverent les jambes de Forgier mignonnement, si bien qu’il fut tantost guery » Ce nom viendrait du clos de Montchenin, près de Cormery, où ce cépage aurait été introduit, cultivé et remarqué. De nombreux synonymes existent pour cette variété en relation avec les différentes régions et les pays où il a été propagé.
    • Parmi ceux-ci, on peut signaler les noms de : Anjou, Plant d’Anjou, Pineau de la Loire, Gros Pineau en Val de Loire, Bon Blanc, Franche en Charente-Maritime, Rouchalin en Gironde, Rougelin dans le Lot, Capbreton blanc, Cruchinet, Tite de crabe dans les Landes, Pineau blanc dans l’Aveyron, et à l’étranger, Agudelo, Agudillo en Galice, Steen en Afrique du Sud.
    • Le principal homonyme pouvant prêter à confusion correspond en fait à un synonyme malencontreux du Pineau d’Aunis, cépage tout à fait différent, sans lien génétique particulier avec le Chenin et qui est parfois dénommé à tort Chenin noir4 alors qu’il ne s’agit en aucun cas de la forme noire du Chenin.
  • Historique, origine et descendance

    • Certains auteurs feraient remonter l’antériorité de ce cépage au XIème5, Xème6 et même au VIème siècle7. Cependant, même si la présence de la vigne semble bien attestée dès ces époques-là dans la région du Layon et en Anjou, rien ne permet d’affirmer avec certitude qu’il s’agissait alors déjà du Chenin. Les résultats des analyses moléculaires et génétiques ne permettent malheureusement pas de dater son apparition mais montrent maintenant clairement que le Chenin est un descendant (un semis) du Savagnin. Cela permet d’avoir un éclairage nouveau sur les hypothèses émises quant à son origine et sa découverte9. A cet égard, il est fait état qu’au début du XVIème siècle des efforts sont entrepris pour améliorer la qualité des vins par Thomas Bohier au château de Chenonceau, suivi peu de temps après par son beau-frère Denis Briçonnet, Abbé de Cormery, au manoir du Montchenin sur les pentes de l’Echandon, en essayant d’acclimater des cépages réputés venant de toute la France et notamment d’Anjou, d’Orléans, de Beaune et d’Arbois.
    • Ce type de démarche s’est semble-t-il développé sous le règne de François 1er et il est probable qu’on ait eu recours à cette époque-là, non seulement à des boutures mais aussi à des semis de pépins.
    • C’est donc sans doute ainsi que ce cépage a fait son apparition, provenant vraisemblablement d’un pépin récolté près d’Arbois, et qu’il a ensuite été rapidement repéré par sa bonne adaptation et son aptitude à donner des vins de grande qualité. Par ailleurs, en tant que descendant du Savagnin qui a été un géniteur très important, le Chenin possède de nombreux demi-frères, comme par exemple le Sauvignon ou encore le Verdelho de Madère dont les proximités avaient d’ailleurs été remarquées il y a déjà longtemps grâce à la perspicacité des vignerons.
    • De même, au cours du temps, et notamment par des croisements spontanés avec le Gouais, le Chenin a lui aussi donné naissance à quelques autres variétés, en particulier le Colombard. En Afrique du Sud il a également été utilisé dans des programmes de création variétale par le Pr. Orffer qui l’a hybridé avec l’Ugni blanc pour donner le Chenel et le Weldra, et avec le Crouchen pour obtenir le Therona

Source : origine Jean-Michel Boursiquot et Virginie Grondain

- Modes et façons de désigner la vigne

  • Il faut attendre la première moitié du 19e siècle pour que l’ampélographie, branche spécialisée de la botanique trouve sa place et impose, dans son sillage la notion de cépage. Dans ce mouvement, à un cépage a correspondu un nom dont le nombre des synonymes est allé en diminuant. Au cours des huit siècles antérieurs, (1050-1850) où en langue française, parfois latinisée, on a mentionné, différencié, nommé la vigne et ses variétés, il n’en est pas allé de même et cinq façons de faire se dégagent de l’écrit.
  • 1.1 La façon
    • la plus répandue consiste à évoquer la présence de vigne cultivée, souvent dans une énumération de catégories de terres agricoles, en la mentionnant sans plus de précision : une vigne, des vignes, la vigne. En langue latine, vinea. Indéterminée, cette façon ne présente aucun apport à la connaissance des variétés de plants utilisés.
  • 1.2 Trois façons
    • de différencier une vigne des autres ont en commun de ne pas utiliser de nom précis (ampélonyme) mais d’ajouter un déterminant au déterminé vigne, plant ou raisin (plus tard cépage) pour distinguer de la masse, extraire de l’anonymat des vignes, des plants ou des raisins en les caractérisant.
    • Elles forment un mode
    • 1 : - une façon élémentaire 1a (ex. vigne blanche, rouge, à fouler ...)- une façon restrictive
    • 1b (d’ordre géographique : indication de vignoble, ex. vigne bordelaise) - une façon analogique
    • 1c, souvent métaphorique, constituée de dérivés connotés de la langue standard (ex. frumenteau pour vigne ou raisin blanc). Ces trois façons, dont il apparaît qu’elles subordonnent la vigne au vin (infra et Annexes), s’inscrivent dans un cadre de pensée qualifié ici d’œnologique, au sens large où l’entend A. Henry (1996) : relative au vin.

    1.3 Une façon

    • de nommer est plus tardive et plus attentive au matériel végétal.

 

  • Ce mode 2 fait usage de noms de plants et de raisins sous la forme

     

  • 1 d’ampélonyme.

    • L’individualité apparente de chaque ampélonyme confère à ce mode une homogénéité trompeuse.
    • En effet, souvent, un même nom est successivement l’objet d’une acception large, ampélologique ou œnologique, 2a puis d’une acception plus étroite, ampélographique, 2b.
  • 2a place souvent sous un ampélonyme unique

    • 2a place souvent sous un ampélonyme unique différents cultivars, par exemple pinot noir et pinot meunier sous le même nom de pinot (ou d’auvernat), ce qui équivaut à ne pas distinguer Sortotype et sortogroupe (cf. infra); 2b en revanche distingue Pinot Noir N et Meunier N, comme deux Sortogroupes appartenant au même Sortotype. Il en va de même pour chardonnay et pinot blanc qui souvent étaient désignés comme identiques avant qu’ils soient tardivement (fin 19e siècle) distingués en Chardonnay B et Pinot Blanc B, dit parfois pinot vrai. De même, cabernet ou variantes (caburnet, carbenet, vuidure ...) ont probablement souvent désigné indifféremment Cabernet Franc N et Cabernet-Sauvignon N.
    • Le cadre de pensée de cette façon de désigner est dit méthodique, car le choix des noms se réfère à l’état des connaissances scientifiques et techniques de son temps, lesquelles furent changeantes du Moyen Age au 19e siècle et gagnèrent en précision. Il n’est néanmoins pas toujours aisé de faire la part entre connaissances en cours d’élaboration (2a, 2b) et faux-ampélonyme 2c, lorsque divers plants sont regroupés sous un même ampélonyme, non pas en fonction de leur proximité végétale mais selon leur capacité avérée à produire un même type de vin.
    • Dans ce registre anticipateur que l’écrit montre répandu, pinot gris, muscats et chasselas par exemple peuvent être réunis sous le nom unique de muscadet qui est donc un faux-ampélonyme. Les teinturiers offrent un autre exemple.

 

  • 1.4 Chronologie, succession et coprésence

    • Plus ancienne, la première catégorie, œnologique, prévaut toujours après 1850 chez beaucoup de vignerons et d’auteurs de traités ampélologiques. La seconde, méthodique, apparaît, quoique de manière exceptionnelle, à une date (encore) imprécise, mais antérieure à 1400. Elle demeure minoritaire jusqu’au 18e siècle.
    • En outre, les deux catégories se révèlent poreuses. Nombre des ampélonyme découlent de caractérisations antérieures souvent par la transformation d’un qualificatif en substantif (ex. plant breton => breton). Les faux ampélonyme brouillent les pistes.
    • En bref, dans l’interprétation des désignations et des dénominations anciennes, il convient de prendre en considération les catégories, les modes et les façons selon leur date, leur localisation, leur émetteur.

 

  • Contextes

    • Différentes considérations fluctuantes pèsent sur l’appréhension des mentions individuelles des désignations et des noms de vignes, de plants ou de raisins

 

  • 2.1 – Sources et vocabulaires spécialisés

    • Depuis le 19e siècle, le savoir ampélographique a profondément modifié l’appréhension de la vigne. Il s’est inscrit dans la rupture épistémologique (ou le changement de paradigme) introduite au 18e siècle dans les sciences naturelles.
    • De telle sorte qu’une terminologie a alors été mise en place sans qu’elle éradique les vocabulaires antérieurs, d’autant que, dans leur pratique, les ampélographes ont attribué un sens étroit à des mots ou à des désignations anciens, auparavant entendus différemment.
    • Dans la langue standard, vocabulaire courant et terminologie se confondent souvent. L’écheveau n’est pas aisé à démêler pour les façons pluriséculaires de mentionner, différencier, nommer vignes et plants. La question abordée ici se forme donc d’elle-même à la lecture des plus anciens noms de vigne connus : à partir du 13e siècle, morillon, frumenteau .
    • gouais, garnache, auchorrois, auvernois et quelques autres désignaient-ils spécifiquement des variétés de vigne cultivée, des cultivars, comme aujourd’hui ? S’agissait-il de noms dans un vocabulaire spécialisé ou de mots connotés de la langue courante ?

 

  • 2.2 - Une rupture documentaire

    • La lecture des écrits médiévaux et modernes (rares et divers documents d’archives, littérature, traités divers, dictionnaires ...) met en lumière que les façons de décrire pour différentier ou de nommer vignes, crus, plants ou complants, raisins puis cépages procédaient en effet très souvent du vin
    • On a d’abord désigné les vins puis, en s’inspirant des noms de ceux-ci, les plants et les raisins qui les produisaient, avec à la fois un souci croissant de précision et une attention toujours portée en priorité au vin. Le manger et le boire, raisons d’être de la vigne cultivée, forment une toile de fond permanente. Ainsi les noms donnés au matériel végétal gardent souvent le souvenir d’une inspiration et d’une préoccupation œnologiques.
    • Toutefois, des noms anciens de plants fondés sur l’observation de particularités de forme, de couleur, de potentiel gustatif sont attestés. Ils furent l’exception avant qu’ils deviennent la règle.
    • Ces noms s’inscrivent dans une visée méthodique au sens où celle-ci fait référence à des observations empiriques et à des connaissances techniques dans divers domaines qui comptaient les métiers de la vigne, viti- et viniculture, ceux du commerce et ceux de l’agronomie, voire de la botanique ou de l’ampélographie à leurs débuts.
    • Difficulté supplémentaire dans cette catégorie, il faut encore distinguer les noms collectifs appliqués à plusieurs variétés de plants ou de raisins, les pseudo-noms engendrés par le type de vins escompté et les noms individuels attribués à une seule variété, un seul cultivar.

 

  • 2.3 - La diversité de l’écrit

    • Dans la masse de l’écrit où elle est en cause, de 1050 à 1800-1850, la vigne forme un ensemble indistinct. Un pourcentage très élevé des mentions emploie le mot vigne, au singulier ou au pluriel, sans plus de précision. Il s’agit là d’une catégorie de bien agricole, au même titre que les terres arables ou les prés.
      Lorsque le parler des vignerons fait irruption dans la documentation à l’occasion d’enquêtes de terrain, celle de l’intendant Dupré de Saint-Maur en 1782-84 ou celles des préfets des années 1800-1810 par exemple, la situation documentaire change brutalement, ce qui donne une idée de la distorsion qui prévaut auparavant, que quelques mentions de parlers vignerons laissent entrevoir (Bellay 1712, Garidel 1715, Bellet 1736).

    • Ainsi le 19e siècle a introduit un changement radical car les propos des vignerons sont rapportés et parce que les agronomes ou les ampélographes réalisent des enquêtes systématiques, souvent à l’échelle de la France entière et conduite de façon détaillée dans chaque département viticole. Cette apparition documentaire ne correspond nullement à une période de création, d’obtention forcenée de nouvelles variétés entre 1780 et 1820 ; elle concrétise le mouvement engagé au 18e siècle pour que la connaissance fonde la décision. Mettant la vigne sous la lumière, elle rejette tout ce qui la précède dans une pénombre aggravée
    • tournés vers un, voire deux ou trois vignobles particuliers. Ainsi ce que l’on appelle les vignobles septentrionaux est surreprésenté dans la bibliographie. Bourgogne étendue à l’Orléanais, à la Champagne et à la France francilienne en forment la trame et la substance. Les angles morts restent fort nombreux, comme le Sud-Ouest ou la Provence avant le 18e siècle, le Val de Loire ou la Vallée du Rhône avant 1800.
    • Enfin, les lexicographes, dans les dictionnaires de langue, manifestent, hormis les premiers d’entre eux, au 16e siècle et au début du 17e un intérêt médiocre pour le matériel végétal qui leur est contemporain ; ils puisent le plus souvent aux mêmes sources anciennes de leur discipline et figent une connaissance obsolète (Rézeau 1998/2014).
    • Une première uniformisation de la langue des ampélographes se laisse entrevoir dans la seconde moitié du 19e siècle lorsque l’horizon des travaux a été largement étendu mais il faut néanmoins attendre le 20e pour que l’ampélographie prenne toute sa dimension botanique en s’inscrivant dans les classifications univoques, à la suite en France des travaux de Paul Viala, d’Henri Marès puis de Louis Levadoux (Bisson 2009). La compilation des traités met en évidence que le savoir ampélographique ne paraît pas être l’aboutissement d’une accumulation pluriséculaire de connaissances, mais être inscrit dans un changement profond et assez récent dans les façons de penser.
    • Il est donc méthodologiquement préférable de ne pas procéder de façon régressive dans le traitement de la documentation disponible mais de considérer stratifiée l’épaisseur du temps depuis sa base, après l’an Mil. Ainsi, la lecture des principaux ouvrages techniques et l’examen de sources entre 1050 et 1850 mettent en lumière l’existence des deux cadres de référence précédemment évoqués, l’un œnologique, l’autre méthodique, qui conduisent à reconnaître l’absence d’une terminologie (F. Henry 1997 a,b) mais en revanche la présence d’un vocabulaire technique ou spécialisé au moins connoté.
    • Ce vocabulaire est à l’œuvre dans la différenciation puis la désignation ampélonymique des « vignes, plants et raisins » pendant des siècles.

 

  • 2.5 Signification, sens, étymologie, synonymies

    • Ces questions sont effleurées ici de façon pratique dans une perspective de mise en œuvre des données textuelles et non d’étude linguistique quoiqu’elles fassent référence à la lexicographie et à l’onomastique (Rézeau 1998, Fava I Agud 2001, Vaxelaire 2007).
    • Lorsqu’une « espèce de plant » est transférée d’un vignoble à un autre, soit elle conserve son nom précédent, soit un nouveau nom lui est attribué. Ceci se passe à toutes les échelles.
  • Le nouveau nom peut
    • - être une indication géographique de provenance, vignoble d’origine ou de transit (ex. Plant d’Anjou en Touraine, plant de Pressac en Bordelais, Chasselas en aval de la Bourgogne) ou la mention explicite (à partir du 18e siècle) du patronyme de celui qui a obtenu, introduit ou diffusé ce plant particulier (cette Sélection), par ex. Malbec(k) dans le Bordelais puis dans le Nouveau Monde ; - mettre l’accent sur une particularité physique discriminante, observable et mémorisable du cep, du feuillage, de la grappe, des baies (ex. carguebas, pied de perdrix, farineux) ; - annoncer une particularité organoleptique du vin escompté de ce plant (ex. muscadet).
    • Ce sont les trois registres de signification d’un nom de plant : faire savoir en quel lieu ou auprès de qui se procurer telle espèce de plant ; permettre de reconnaître un plant dans les vignes ; savoir quel produit attendre d’un plant. Le sens d’un nom, donc ses usages, réside dans la traduction ou la translation locale de sa signification précédente lors de son usage vernaculaire en contexte temporel et spatial, sens implicite ou explicite ; chaque sens s’explique par la mise en contexte, chaque nouveau nom fait sens par rapport aux noms déjà en usage en un lieu ; c’est pourquoi on relève des transferts dans le registre des significations d’un lieu à un autre. Samoireau ou plant de Pressac relèvent du même registre de signification que plant de Cahors, lorsque le côt prend ces nouveaux noms dans les vignobles septentrionaux et bordelais mais pour le même cultivar ; en revanche, pour le même côt, pied de perdrix, cote rouge ou quille de coq marquent un changement de registre.
    • Les ressorts mnémotechniques mobilisés sont distincts.
    • L’étymologie, souvent superficielle, est l’explication avancée de la racine du nom (ex. auvernat, plant venu d’Auvergne, pineau pour une grappe qui aurait la forme d’une pigne). Nombre des étymologies date de la Renaissance ; leur caractère approximatif est patent (vitis <= vita chez Gohory). Pour chaque ampélonyme, ces trois aspects valent d’être examinés séparément pour distinguer leur apport (Vaxelaire). De la sorte, ce que nous dénommons synonymie résulte d’une appréhension anachronique, rétrospective.
    • Au moment où les noms sont créés, ils équivalent à une traduction spécifique dans un parler local, à une translation et non à un synonyme. Une autre question est de savoir combien de temps perdure la conscience de la signification et/ou du sens d’un nom de plant.
    • Dans la pratique, il semble que ce qui s’apparente à un changement d’état du nom, au passage de nom commun à nom propre, reflète cette durée. Le nom, en se figeant, en devenant un ampélonyme, se rapproche d’un patronyme et devient en quelque sorte le nom d’une lignée, sans que le souvenir de la raison première de son choix soit toujours conservée.

 

  • 2.6 - Ampélologie et ampélographie

    • Une distinction entre écrits à teneur ampélologique et écrits à teneur ampélographique s’impose dans l’analyse la documentation. Cette distinction s’applique aux locuteurs, connus seulement au travers du filtre de ce que rapporte l’écrit. Par ampélologie, il faut entendre ici le discours général sur les plants et les raisins, le monde végétal de la vigne sauvage ou cultivée, leur histoire. Les écrits agronomiques appartiennent à ce domaine (Liébault, Serres, Merlet etc.).
    • Par ampélographie, il faut entendre le discours spécialisé de la botanique, taxonomique qui, depuis ses débuts, a pour objet de fixer les règles de différenciation des variantes dans une même espèce ou sous-espèce, en ampélographie, les cultivars (ou cépages) du compartiment vitis vinifera sylvestris ou sativa, la vigne cultivée d’origine sauvage ou domestiquée.
    • Les écrits ampélologiques utilisent un vocabulaire technique fluctuant (Liébault, Merlet, Liger, etc.), les seconds se sont efforcés, à compter des environs de 1700 (Magnol, Pitton de Tournefort, Garidel etc.) de mettre laborieusement en place une terminologie à visée univoque, fixée dans ses grandes lignes après 1850, d’abord pluri-nominale (Garidel) puis binominale pour différencier les espèces (Linné). Les cultivars, demandaient que des caractères exclusifs fussent définis pour les distinguer, ce qui fut l’objet de la branche de la botanique qu’est l’ampélographie (Galet 2015 : 27-43). Aujourd’hui, 7 niveaux de classification sont reconnus (Boursiquot, This 2009 ; cf. infra), dont quatre sont utiles à l’interprétation des désignations anciennes des vignobles de France.
    • Nous n’avons donc pas seulement affaire ici à deux phases dans la constitution du savoir mais surtout à la langue technique de plusieurs corps de spécialistes, toujours en activité de nos jours, dont les vocabulaires propres sont proches les uns des autres, empruntent chacun aux voisins, ce qui constitue une source supplémentaire de confusions. Un exemple se trouve dans l’apparition des prescripteurs du 19e siècle, tels Jullien en 1816 ou Rendu en 1857 qui développent une appréhension spécifique de la hiérarchie des cépages liée à la qualité et au cours des vins. Leur vision des vignobles et des cépages est sélective.
    • L’acception du mot ou terme cépage est un d’ailleurs un exemple éclairant de ce phénomène depuis sa résurgence au 18e siècle dans le monde savant (Galinié 2016, Rhcl à paraître). Evoquer la vigne, la différencier, la nommer, ces trois formes d’expression coexistent depuis le 14e siècle et jusqu’à 1850 au moins.
    • Les façons de différencier élémentaires , restrictives et analogique sont réellement attestées à partir du 13e siècle. Une occurrence isolée de 1055 de « vignes bordelaises » peut être entendue comme le signe d’une absence documentaire engendrée par la nature des sources disponibles : d’autres occurrences restent à relever dans les textes. Nommer est une pratique courante à la fin du 14e siècle. Aucune de ces pratiques n’efface ou n’oblitère les précédentes.
    • De plus, la chronologie suggérée est fragile car fondée sur un faible nombre d’occurrences issues ici des vignobles de langue d’oïl. La (re)lecture des sources est susceptible de livrer de nouveaux exemples concrets. L’identification d’un mode analogique est une proposition dont le bienfondé et l’intérêt sont à préciser.
    • Les bornes de l’étude présentée ci-dessous sont données par la première désignation d’une vigne angevine en 1055 et par la parution de l’Ampélographie ou Traité des cépages d’A.-J. Odart en 1845. Les exemples sont pour l’essentiel septentrionaux.

Source: les façons de nommer vignes et plants par Henri Galinié

 

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