La Roche-aux-Moines
La Roche-aux-Ducs en 1370 sous Louis II
La Roche-Serrant
Le coteau correspond à une avancée en pointe, véritable éperon rocheux, du socle armoricain dominant la Loire. Il est bordé, à l'est, par la « Coulée de Serrant » et, à l'ouest, par une vallée donnant sur « les Forges » qui le sépare du coteau du « Moulin du Gué ». Le haut du coteau est en pente douce orientée au midi. La pente devient plus importante dans la partie basse du coteau et dans sa partie occidentale, au regard du «Moulin du Gué»
La « Coulée de Serrant » est située de part et d'autre du vallon qui sépare le coteau d'Épiré, au nord, de celui de la » Roche aux Moines », au sud. La « Coulée de Serrant » a toujours été considérée comme le fleuron du vignoble de Savennières.
Elle est constituée de trois parties distinctes :
Le « Grand Clos de la Coulée », situé en forte pente sur le flanc occidental du coteau de Chamboureau .
Le « Clos du Château », pente symétrique par rapport à la coulée au sens géographique du terme, sous le pan de mur de l'ancien château de la Roche de Serrant .
Les « Plantes », dont une partie plonge en pente forte, exposée au levant, sur la coulée, et le reste se situe en pente douce orientée vers le midi, sur le coteau de la « Roche aux Moines.
En amorce du plateau, quelques sables éoliens du Quaternaire se sont déposés en couche plus ou moins épaisse. Les sols très arides des coteaux de Savennières perpendiculaires à la Loire, sont composés de formations schisteuses et schisto-gréseuses de l'Ordovicien supérieur au Dévonien inférieur. Des roches magmatiques de spilites (le matériau initial est basique) et rhyolites (le matériau initial est acide) affleurent par endroit. Ailleurs, des boues siliceuses ont laissé des phtanites. En situation de coteaux, la roche mère est le plus souvent très proche de la surface.
Sur les plateaux et dans le bas des coteaux, on trouve des sables éoliens et des loess, sans doute apportés par les vents violents d’une période glaciale qui a façonné au quaternaire le paysage actuel : les roches les plus dures forment les reliefs et les plus tendres les creux.
Quartz hyalin.
Quartz hyalin prisme. Forme habituelle, prisme régulier à 6 faces, surmonté d'un pointement à six faces, 1 ou 3 faces sont ordinairement dominantes. En petits cristaux dans nos filons de quartz du terrain silurien, dans nos schistes métamorphiques du dévonien, à La Roche-aux-Moines, à Trelazé, au Pré-Pigeon, à Champtoceaux, rarement d'une limpidité parfaite.
Chaux fluatêe. — Fluor, spath fluor
En général, cette substance est cristallisée, quelquefois cristalline, rarement amorphe. Chaux fluatée cristallisée, souvent hyaline, limpide et incolore, la couleur améthiste dominante, essentiellement lamelleuse, offrant quatre clivages ; mais les octoëdres sont rarement complets.
On la trouve : En veines aux fourneaux près d'Angers, à Liré, accompagnant toujours la chaux carbonatée lamellaire et blanche. Tandis que la variété verte ne se trouve que dans le terrain métamorphique, à La Roche-aux-Moines, près d'un filon de plomb sulfuré et de cuivre, Desvaux dit l'avoir rencontrée à Denée.
Fer sulfaté vert.
Sulfate de fer vert à couleur douteuse ou couperose verte, par suite de la décomposition du sulfate de fer et de cuivre, à La Roche-aux-Moines
Genre de Cuivre
Pyrite cuivreuse
Cuivre pyriteux cristallisé, en octoëdre simple en petits cristaux, au milieu des cristaux de quartz, à la Roche-aux-Moines, à Trelazé
Cuivre Oxydulé
Cuivre oxydé noir, ou oxyde cuivrique ou mélakonite, substance terreuse, jamais cristallisée, noire, tachant les doigts, formée par épigénie, à La Roche-aux-Moines, souvent unie à l'espèce suivante.
Cuivre sulfaté.
Ce sel est toujours le résultat de la décomposition des minerais de cuivre et, principalement, des pyrites. Les croûtes et les masses fibreuses sont mélangées au fer sulfaté. Gisement. Toutes les substances cuprifères sont en général le produit de la décomposition des pyrites de cuivre, et sont subordonnées aux gîtes de la roche, du moins à la Roche-aux-Moines. À Savennières, à Chalonnes, mais jamais en quantité importante. À la Roche-aux-Moines, les schistes métamorphiques sont traversés par un filon de plomb sulfuré et de pyrites cuprifères décomposées.
Epidote.
L'épidote n'est réellement connue que depuis quelques années, elle se présente dans des gisements différents. Desvaux ne l'avait trouvée que dans les aphanites. Epidote commune verte, aciculaire. Desvaux nous dit, dans son essai sur la minéralogie, qu'elle se trouve en petites veines cristallines dans un rocher des environs de Denée et aussi à La Roche-aux-Moines dans une sorte de pétrosilex où il y a beaucoup d'épidote disséminé.
Séricite (sericus, brillant).
On a longtemps confondu le mica séricite ou la séricite avec le talc ; mais la présence du fluorure de silicium, tout en le rapprochant par sa composition du mica, en fait une espèce particulière, se produisant dans des conditions spéciales, en un mot c'est le mica de nos schistes qui s'est développé, modifié au contact des roches soulevées. À La Roche-aux-Moines, on trouve quelquefois du talc vert en grandes plaques, de l'oxyde de fer jaune, du mica séricite ondulé
Le siège de La Roche-aux-Moines en 1214
Tout le monde ou presque connaît la célèbre bataille de Bouvines remportée, en 1214, par Philippe Auguste sur la coalition de Jean sans Terre . On a oublié La Roche-aux-Moines ! C'est quand même bien ici que le Plantagenêt, quelques jours seulement avant Bouvines, abandonné par ses barons, prit la fuite devant l'arrivée de l'armée du Prince Louis de France, fils de Philippe Auguste.
La Roche-aux-Moines et Bouvines sont deux faits historiques qu'on ne peut pas dissocier. Ils sont déterminants dans le renforcement du pouvoir de Philippe Auguste.
Les princes de cette famille furent les plus terribles ennemis des Capétiens. Tous intelligents, mais profondément félons et cruels, ils ont laissé un nom fameux dans l'histoire par leurs démêlés avec les rois de France, leurs scandales, leurs inimitiés de famille, leurs repentirs affichés dans les fondations charitables et pieuses. Cependant, en Anjou, ils favorisent l'économie, les constructions, le développement culturel.
Geoffroy Plantagenet est le chef de cette dynastie angevine et anglaise. Il est marié à Mathilde de Normandie, fille et héritière du roi d'Angleterre Henri 1er, également veuve de l'empereur du Saint-Empire romain germanique
Henri II, son fils, lui succède. Il hérite de l'Anjou, de la Touraine, du Maine, du Vendômois ; devient duc d'Aquitaine en se mariant avec Aliénor qui a été répudiée par le roi de France, Louis VII ; devient roi d'Angleterre en 1154. Il est à la tête d'un empire assez extraordinaire qui va de l'Écosse aux Pyrénées.
Le Plantagenêt se trouve alors le plus puissant souverain d'Occident. En 1189, vaincu par ses fils révoltés et Philippe Auguste, il capitule à Azay-le-Rideau ; usé, il meurt peu après à Chinon. Il est inhumé dans l'église abbatiale de Fontevraud. Aliénor l'y rejoindra en 1204.
Richard Cœur de Lion, fils d'Henri, hérite des domaines paternels et maternels. On le verra peu en Anjou. Il meurt brutalement en Limousin. Il est, lui-aussi, enterré à Fontevraud.
Jean sans Terre
Est frère du précédent. Impulsif, violent, il bafoue continuellement les règles de l'honneur chevaleresque. Son manque d'expérience du gouvernement, également sa mauvaise réputation de Félon, l'empêchent d'exercer son autorité sur l'ensemble de l'empire.
Les barons angevins, qui le trouvent médiocre, lui préfèrent le jeune Arthur, duc de Bretagne, autre prétendant au trône d'Angleterre, lequel se met sous la protection du roi de France. Quant aux féodaux aquitains, qui avaient si souvent renâclé devant la violence de Richard, ils ne veulent plus se battre pour le roi d'Angleterre. Jean sans Terre s'était fait beaucoup trop d'ennemis.
En 1200, on le soupçonne d'avoir provoqué la mort de son neveu et rival, le jeune Arthur de Bretagne. Autre grave erreur : il fait enlever la fiancée du comte Hugues de Lézignan, Isabelle d'Angoulème, qu'il épouse de force à Chinon.
Philippe-Auguste trouve là de bons prétextes pour l'attaquer aux motifs d'assassinat et de félonie. Il fait prononcer la saisie de ses fiefs. Il faudra au Roi de France plus d'une dizaine d'années pour les conquérir, les perdre et les reconquérir. Maintenant, qu'en est-il de la situation capétienne ? Le domaine royal d'alors ne comprend que l'ÎIle-de-France, l'Orléanais et une partie du Berry ainsi qu'une dizaine de fiefs dispersés.
Philippe Auguste
En 1180, il a 15 ans ; il accède au trône et va régner 43 ans. Cette exceptionnelle durée de règne va lui permettre de mener à bien ses ambitions. Il épouse Isabelle de Hainaut qui descend de Charlemagne : c'est valorisant pour la renommée de la dynastie capétienne. Il est décidé à affermir l'autorité royale et rêve d'un domaine aussi grand que celui de Charlemagne, dont la légende est à son apogée. Diviser pour régner est sa stratégie. Son appétit territorial lui vaudra de solides inimitiés.
Les rois d'Angleterre sont ses vassaux pour tous les territoires situés sur le continent. Dans ce contexte, Philippe Auguste s'engage, contre eux, dans des luttes, conflits et trêves répétés. Il se saisit des moindres circonstances favorables et exploite chaque révolte des barons de Jean sans Terre . En 1214, il affirme son autorité sur presque toutes les possessions françaises des Plantagenêts.
Qu’ils soient Plantagenêts ou Capétiens, ils ont tous de nombreux démêlés avec le Pape.
Le Pape arbitre
Il peut défaire un roi en l'excommuniant et en jetant l'interdit sur son royaume. Henri II, Philippe Auguste, Jean sans Terre ont été frappés d'excommunication. Le souverain qui se sentait menacé pliait et payait parfois très cher ses débordements ; on le verra avec Jean sans Terre dans la «croisade d'Angleterre».
Guillaume DESROCHES
fut l'un des personnages les plus marquants de son époque. Il est né en 1155 de l'union de Beaudoin Desroches, seigneur du Poitou, avec Alice de Châtellerault.
Ce que furent son enfance et sa jeunesse reste obscur. Mais le mariage qu'il fit en 1190 avec Marguerite de Sablé, fille de Robert IV, contribua à sa haute fortune, car Robert avait de grands biens.
Avant de partir pour la croisade, il fit remise aux moines de Saint-Serge d'une partie des revenus qu'il leur avait confisqués. Il commanda la flotte anglaise lors de l'expédition en Terre-Sainte, puis entra plus tard dans l'ordre des Templiers, et devint le onzième grand-maître de cet ordre illustre. Son destin est alors lié à ceux de Philippe Auguste, de Richard Cœur-de-Lion et de Jean sans Terre . Ce dernier réussit, par son habileté, à ébranler la fidélité de Guillaume Desroches, alors gouverneur de Rouen, en le sommant de lui remettre sa soeur Alix avec qui Richard était fiancé.
Devant un refus catégorique, Richard assiégea la ville de Rouen et ne tarda pas à décider Guillaume Desroches a se rapprocher de lui en le chargeant de négociations auprès de Philippe Auguste. Les deux princes eux-mêmes eurent une entrevue et conclurent un traité d'alliance contre Henri II. Ils marchèrent sur le Mans et y entrèrent par une porte pendant que le monarque anglais sortait par l'autre : « La noble cité du Mans, dit Henri-Martin, qui avait été le berceau des Plantagenets et qui gardait le tombeau de leur aïeul, Geoffroi d'Anjou, fut livrée au pillage par les Français, tandis que Richard poursuivait son père». Mais la mort imprévue de Richard au siège de Chalus en 1199 rendait le jeune Arthur, fils de Geoffroy Plantagenet, prétendant légitime au trône d'Angleterre. Guillaume accompagna Arthur à la cour de Jean sans Terre , se figurant qu'il pourrait en faire un protecteur du malheureux enfant. Mais Jean sans Terre n'était pas capable d'une longue dissimulation ; le sénéchal s'aperçut promptement des dangers que courait l'enfant confié à son dévouement. Il vit bien qu'on le traitait plutôt en otage qu'en Prince légitime. Il quitta donc précipitamment la cour avec Arthur, fit appel aux Bretons qui lui étaient fidèles et se dirigea sur Angers, dont les portes lui furent ouvertes le jour de Pâques 1199 par le gouverneur Thomas Furnet.
Ce fut la première ville importante qui se déclara pour Arthur. Ce succès éclatant attira auprès de lui les plus grands personnages du Maine, de la Touraine et de l'Anjou. Desroches se rendit alors au Mans, pour y reconnaître le Roi de France comme seigneur suzerain. C'est alors que Jean sans Terre lui retira le titre de sénéchal des trois provinces qu'il proposa au vicomte de Thouars, Aimeri, sur lequel il croyait pouvoir compter. Quel fut l'accueil que reçut le prince à la cour de Philippe-Auguste ? On serait tenté de croire qu'il fut assez froid pour exciter la défiance du sénéchal malgré l'habileté du Roi; aussi nous le voyons, le 18 septembre 1199, aller à Auvers-le-Hamon où se trouvait alors Jean sans Terre , pour tenter une réconciliation entre l'oncle et le neveu. Jean, à qui les promesses et les serments ne coûtaient rien, assura le sénéchal «qu'il était tout disposé à suivre ses avis» Mais quelques jours après seulement, il entrait au Mans. Desroches avait été dupé. Il retourne aussitôt vers Arthur, le ramène avec lui, et se met à la tête des troupes réunies, dont Philippe Auguste se réserve le commandement suprême. Le roi s'empare de la ville de Ballon et la détruit après une vive résistance. Guillaume Desroches lui fait quelques observations sur le mouvement de colère auquel il a cédé. Le Roi en est blessé et lui répond avec aigreur «qu'on ne l'empêcherait pas de faire ce qu'il jugerait bon de ses conquêtes.» Guillaume se sent humilié par cette réplique hautaine et revint à ses idées premières de réconciliation, qu'il jugeait plus conformes aux intérêts d'Arthur, plus propices aussi peut-être à ses propres ambitions. Il fait donc encore une nouvelle tentative, avec plus d'insistance qu'auparavant. Mais Arthur et sa mère se découragent promptement ; ils s'éloignent et se retirent dans leur bonne ville d'Angers. Jean sans Terre , irrité de cette retraite, s'abandonne à ses instincts de colère et de destruction : il pille et incendie le Mans, qui avait déjà subi tant de désastres ; mais il a le bon esprit de retenir près de lui Guillaume Desroches comblé des privilèges les plus divers.
Ce fut peut-être l'époque où le sénéchal déploya le plus d'activité dans ses fonctions civiles et judiciaires. Il fut notamment chargé d'une foule de négociations importantes ; il jugea une contestation entre Thibaud de Sancey et les frères de l'Hôtel-Dieu d'Angers, relative à plusieurs lieux qui leur avaient été donnés : Pierre-Lize, Jérusalem, Bunchez (lisez Banchais). Il ratifie le don qui avait été fait des dîmes de Tiercé par Hamelin de La Place, gentilhomme, à l'abbaye de Toussaint. En 1200, on porte à son tribunal un grave procès entre Hersende de Sablé, abbesse du Ronceray, et les Frères de l'Hôtel-Dieu de Saint-Jean d'Angers ; il décida contre eux, mais moins de dix ans après le procès renaissait.
Au mois de mai 1200, Jean et Philippe conclurent un traité de paix, dans lequel furent sacrifiés les droits d'Arthur. Desroches a dû y prendre part, et ce n'est pas à sa gloire, assurément, que nous mentionnons cette opération. Elle peut s'expliquer, sinon par la trahison, du moins par une politique inavouable et tortueuse. Desroches était alors en pleine faveur. Jean sans Terre ajouta la sénéchaussée de Touraine le 24 juin 1200, à celles du Maine et de l'Anjou qu'il tenait d'Arthur ; il reçut du sénéchal l'hommage-lige des terres de Bersay et de Sablé. Aussi, lorsque la paix fut rompue entre Philippe et Jean, Guillaume Desroches resta t-il près de ce dernier. Il le suivit et l'assista au siège de Mirebeau en 1202, mais, ne perdant pas de vue les intérêts d'Arthur, lui demanda d'épargner ses ennemis et de faire une paix amie avec son neveu ; Jean sans Terre , le lui promit, mais le lendemain, à la pointe du jour, après un combat acharné, les troupes anglaises avaient pris la ville d'assaut et se livraient à d'odieux excès.
Plusieurs des seigneurs que Guillaume avait voulu sauver, furent mis à mort. Quant à Arthur, il fut fait prisonnier, traité avec peu d'égards et conduit à Falaise puis enfermé dans l'une des tours du château de Rouen où l'on ne sait comment il mourut : assassiné par son oncle, empoisonné, ou simplement de misère et de chagrin. Guillaume Desroches devint alors l'ennemi acharné de son ancien maître. Il se retira dans son immense château de la Roche aux Moines et fit hommage à Philippe-Auguste.
Il déclare donc la guerre à Jean sans Terre , se transporte en Poitou, s'empare de plusieurs villes, revient en Anjou, se présente devant Beaufort qui se rend à lui sans combat. Quelques mois après, en octobre 1203, il se dirige sur Angers ; il avait avec lui un chef redouté, Cadoc, capitaine des Routiers. C'était aux approches de la foire de la Toussaint : les soldats déguisés en marchands portaient des armes sous leurs capes. Ils franchissent les barrières, à l'aide de ce stratagème, s'emparent de la ville, et se livrent au pillage. C'était la condition de toutes les Cités conquises.
Philippe Auguste en récompense, le fit en 1204 sénéchal héréditaire de l'Anjou, de la Touraine et du Maine. Lui donna en toute propriété les villes de Châteauneuf, Château-du-Loir, Longué, Mouliherne : et, sous certaines conditions, celles d'Angers, de Saumur, de Loudun, de Beaufort et de Brissac. Grand constructeur, Guillaume Desroches fit reconstruire le château des Ponts-de-Cé en 1206, occupé la même année par Jean sans Terre , et en partie rasé par Philippe Auguste quelque temps après.
Il avait plus de 60 ans lorsqu'il prit la croix et participa à l'expédition contre les Albijeois, où tant de cruautés et d'excès furent commis.
Il mourut en 1222 et fut inhumé dans l'abbaye de Bonlieu, qu'il avait fondée.
Il laissait trois filles, parmi lesquelles Jeanne, l'ainée, épousa Amaury 1er de Craon. Sa bannière de guerre était de couleur rouge avec une croix d'argent. Pour sceller les actes, le sénéchal se servait en 1209 d'une Pierre antique portant un buste d'empereur.
Son blason porte sur l'écu les armes reprises plus tard par Messire Jean Bourré, seigneur du Plessis-Bourré en Soulaire-et-Bourg, «à la bande fuzelée l'orle semée de six besans»
La Loire est l'axe central pour la communication et le transport dans l'État angevin. Les défenses, le long du fleuve, sont donc bien développées. Elles défendaient le fleuve, mais également servaient à soutenir les lignes de défense en profondeur, à la fois au sud et au nord de la Loire. Sous Foulques-Nerra, pour verrouiller les accès d'Angers par l'Ouest, au moins huit châteaux surveillèrent la Loire sur soixante kilomètres jusqu'à Ingrandes : Les Ponts-de-Cé, Rochefort-sur-Loire, Châteaupanne, Montjean, Champtocé, Saint-Florent-le-Vieil, Champtoceaux. À proximité de Savennières, d'autres apparurent tels La Possonnière, Chalonnes, Dieuzie à Rochefort.
La Roche-aux-Moines est un site géographique et stratégique de premier plan. Le coteau domine le fleuve d'une quarantaine de mètres presque verticalement ; du haut, on peut découvrir l'embouchure de la Maine et tout le bassin ligérien. D'un demi-kilomètre de longueur, c'est un éperon situé entre deux vallons profonds, la Coulée-de-Serrant au Nord et les Petites Coulées au Sud.
Au début du XIIIe siècle, il est urgent de construire une place forte en face de Rochefort. On vivait alors une période de troubles pour nos bords de Loire. Il fallait en effet protéger l'axe commercial Angers-Nantes des attaques répétées des seigneurs de Rochefort qui tenaient de Jean sans Terre , et dont le château est situé sur un piton rocheux de l'autre côté de la Loire. Le site de La Roche-aux-Moines devient un enjeu stratégique. C'est dans ce contexte qu'est décidée la construction, entre 1206 et 1212, d'une puissante place forte sur cette roche exploitée par les moines de Saint-Nicolas. La construction est attribuée à Guillaume Des Roches, sénéchal d'Anjou.
Deux documents d'archives seulement en donnent une image plus précise :
1-Sur un plan dit « des accroissements de Loire » la partie basse représente 3 rochers, dont la Roche-au-Duc à droite, sur laquelle sont deux tours, seuls vestiges de la forteresse de Guillaume des Roches : la première en avant, ronde, coiffée d'une coupole et à moitié éventrée, la seconde, en haut, couverte en terrasse avec guette à l'arrière. Ce document a été dressé à la demande des moines de Saint-Nicolas contre les prétentions de M. de Serrant sur des apports de terres alluviales dans l'île qui faisait face à son domaine de Varennes. Ce château y figure comme appartenant à la famille de la Tullaye qui posséda Varennes depuis 1684 jusqu'à la Révolution, ce qui autorise de dater ce document approximativement du XVIIIe siècle.
2° - Berthe, un autodidacte, a dessiné une vue cavalière des ruines vers 1830 en ajoutant au bas de la page : « La Roche-aux-Moines » est un des points les plus élevés des rives de la Loire. Ces ruines très escarpées à l'Est présentent des pointes de rochers en saillie où l'on aperçoit les restes de vieilles tours, un large fossé, en partie comblé par des débris..
Au Nord, une casemate ou chemin couvert, voûté en ogive. On s'étonne encore de leur caractère herculéen, de même que celles de St-Symphorien de Rochefort.
Célestin Port le cite dans son dictionnaire et y voit « une courtine avec trois tours à demi-rasées et la base d'un pavillon couvrant l'entrée vers l'Orient». On possède plusieurs copies de ce document avec ou sans personnages et divers cheminements, mais toutes représentent les mêmes vestiges.
Berthe fut assez précis et consciencieux dans tous les autres documents concernant les environs d'Angers qu'il nous a laissés. Son témoignage est donc crédible, et si son dessin n'a pas été fait d'après nature, tout porte à croire qu'il l'a été de mémoire aussitôt après la visite sur place. Une barbacane protégeait le pont-levis et le portail encadré de deux tourelles. Le bayle contenait un puits pour l'eau justement abondante sur ces sommets et bien nécessaire à la survie en cas de siège. Écuries et logis de la garnison étaient adossés aux courtines. Une poterne donnait une issue secondaire à l'Est sur le ravin et permettait une sortie secrète par un souterrain dont le départ est encore visible sur place.
3° - Les plans cadastraux, l'ancien de 1835 et le nouveau mis à jour régulièrement depuis, nous donnent des indications en plan intéressantes sur la forme des terrains. Le nouveau cadastre détaille le site en 3 parcelles : la première correspond à des chemins d'accès, la seconde à un espace oblong en creux barré par une sorte de digue, dans lequel on reconnaît aisément d'anciens et larges fossés, et la troisième, à un ensemble de ruines anciennes que détaille l'ancien cadastre en 3 zones :une zone périphérique correspondant à des parties très pentues, une plate-forme circulaire tronquée de 35 m de diamètre et en fer à chevale trapézoïdale de 100 x 30 m environ au sud, se prolongeant par un éperon en Loire aujourd'hui disparu du fait du passage de la ligne S.N.C.F. Compte tenu des documents précédents et de la connaissance que nous avons de l'architecture castrale philipienne, la forteresse de Guillaume Desroches nous apparaît comme une construction allongée de 140 x 30 m environ, implantée sur plusieurs niveaux à cheval sur une arête rocheuse avec 4 tours l'encadrant dont 3 rondes percées d'archères et un donjon massif barlong.
L'accès principal du château se fait par l'ouest où de larges fossés ont été creusés et desquels les pierres nécessaires à la construction du château ont été puisées. Certaines parties de ces fossés pouvaient éventuellement être mises en eau par un barrage. Le donjon situé en partie haute était surmonté d'une guette. On peut lui attribuer pour fixer les idées de 10 à 15 m de diamètre et 25 m de hauteur avec des murs de près de trois mètres d'épaisseur à la base, à en juger par le massif qui gît désormais en contrebas. Se répartissaient à ses pieds, l'aula ou grande salle de réception, la capilla ou chapelle et peut-être des appartements du seigneur, encore que la fonction résidentielle n'ait sans doute pas été ici très affirmée.
Le donjon dominait et était séparé du châtelet d'entrée par un fossé franchissable par un second pont-levis. Il contenait le logis, dans lequel on pénétrait par une porte extérieure située à 6 m de hauteur au niveau du premier domicilium étage et accessible elle-même vraisemblablement par une passerelle escamotable conduisant à un petit donjon ne contenant qu'un escalier à vis étroit.
Pourquoi Jean sans Terre a-t-il décidé de s'emparer de la Roche-aux-Moines ?
Il faut se reporter quelques années auparavant. Le Plantagenêt se querelle avec le clergé anglais. Le pape, Innocent III, l'excommunie et le dépose de sa souveraineté de roi d'Angleterre, lequel pape demande au roi de France de procéder à l'exécution. S'agissant de rétablir les libertés de l'Église, ce sera une croisade :
« la croisade d'Angleterre » Philippe Auguste voit là une bonne occasion à saisir sur le champ. Il faut, une fois pour toutes, venir à bout des Plantagenêts ; son fils, le prince Louis, accepterait bien volontiers les hommages des barons anglais.
À cette période-là, Jean sans Terre ne peut pas compter sur son allié Othon, qui a trop à faire dans l'empire germanique. Il lui faut s'incliner devant le Pape et demander sa protection. En contrepartie, il va devoir se déclarer vassal du Saint-Siège. L'affaire a un prix et sera plus tard lourde de conséquences. Philippe Auguste n'a plus aucune raison d'attaquer l'Angleterre, mais il passe outre. Il pénètre en Flandre. Les Flamands se révoltent et demandent du secours aux Anglais qui, en moins d'une semaine, débarquent et détruisent les bateaux du Roi de France. Faute de moyens, on ne parlera plus de croisade d'Angleterre.
Sur le retour, pour punir les Flamands, Philippe Auguste, furieux, fait incendier des villes et prend des otages. Le comte de Flandre, Ferrant, décide alors d'aider le roi d'Angleterre. Philippe Auguste se montre vraiment trop belliqueux. Une coalition s'organise contre lui. Jean, maintenant protégé par son seigneur le pape, fort de l'alliance imprévue du comte de Flandre et comptant sur le soutien de son neveu Othon, peut passer à l'offensive. Avec l'aide d'Othon, Ferrand attaquera vers le Nord. Jean mènera l'assaut en Poitou.
Jean sans Terre s'éternise trop en Aquitaine.
En février 1214, il débarque à La Rochelle avec une armée nombreuse mais mal structurée, composée de trop de mercenaires. Il achète quelques fidélités en Aquitaine et en Poitou. Philippe Auguste fait d'ailleurs de même en achetant la fidélité de bien des barons poitevins et limousins. En juin 1214, lorsqu'il apprend que Philippe Auguste a quitté les bords de la Loire pour le front du Nord, laissant Louis en charge de l'Aquitaine, Jean se réveille brusquement et décide de marcher sur Paris. Il fait une approche de Nantes, mais se replie sur l'Anjou ; prend Ancenis le 11 juin ; le 17, il rentre dans Angers ; d'autres places tombent d'elles-mêmes. Une petite place stratégique, située un peu au sud d'Angers, sur les bords de Loire, va lui faire de la résistance. Elle est tenue par Guillaume des Roches et s'appelle la Roche-aux-Moines. Jean est agacé, il arrête sa marche vers Paris.
Le 19, il décide d'assiéger la forteresse rebelle.
Jean sans Terre établit son quartier général dans le château fort de Payen de Rochefort. Payen, blessé, fut rapidement ramené mourant dans son château. Les chroniqueurs nous disent que l'Anglais fit venir de suite des engins mécaniques : perrières, trébuchets et mangonneaux dont certains pouvaient tirer jusqu'à 300 mètres ou propulser 150 kg à 150 mètres. Guillaume des Roches résiste facilement malgré les efforts de Jean qui venait chaque jour encourager ses soldats et planter des gibets pour sommer les assiégés de se rendre sous peine d'être tous pendus.
Des escarmouches nombreuses se succédèrent. Guillaume le Breton raconte dans sa Philippide l'anecdote d'Enguerrand Brismoutier, un colosse anglais qui venait chaque matin avec son arbalète décocher des carreaux, protégé par un bouclier de cuir que tenait au-dessus de lui une ordonnance. Or, Poncius, un sergent français, attacha une longue corde forte et grêle à l'extrémité d'une flèche qu'il décocha sur le bouclier d'Enguerrand. Puis il tira vivement sur la corde laissant l'homme tout nu sous une averse de traits que « ceux du chastel lançaient souvent et menu ». Les Français auraient tué bon nombre d'Anglais, un chapelain et plusieurs barons de haut lignage.
De son côté, le prince Louis analyse la situation :
Jean a assiègé la Roche-aux-Moines après avoir pris Angers. Louis craint que les barons poitevins et angevins se rallient à leur seigneur ; peut-on résister au Plantagenêt en Anjou ? La Roche-aux-Moines est un enjeu politique. Louis l'a compris. Il est à la tête d'une forte armée. Le sénéchal, Guillaume des Roches, et le remarquable maréchal, Henri Clément, sont de son côté. De son père, Il a obtenu l'autorisation pour livrer bataille dans les règles.
En 1214 Jean sans Terre débarque à la Rochelle et soumet en peu de temps une partie du Poitou puis pénètre en Anjou . Il marche sur Angers qu'il prend sans coup férir. D'autres places lui résistent plus longtemps, mais en vain, telle Beaufort-en-Vallée. Seule la Roche aux Moines lui tient tête. Jean décide d'y mettre le siège le 19 juin 1214. Il monte des perrières et autres machines de guerre et pousse vivement les opérations, mais rencontre alors une résistance énergique.
En 1214, Jean sans Terre , Otton IV de Brunswick Empereur d'Occident, le comte de Flandres et quelques grands Seigneurs, forment une coalition contre le roi de France Philippe-Auguste. L'énergique détermination du capétien à asseoir son autorité sur l'ensemble des terres attachées à sa couronne exaspère en effet bien des seigneurs dont sa puissance croissante ne peut qu'entraîner leur déclin.
Germains et Flamands attaquent par le Nord impatients qu'ils sont de reprendre les provinces que Philippe leur a confisquées. Jean sans Terre , parti à la tête de son armée, s'occupe du Sud. La France naissante est prise dans les mâchoires d'une tenaille ; mais la menace est visiblement moins pressante au Sud. Ce sera donc le prince Louis, fils ainé de Philippe Auguste qui se portera de côté.
À la Roche aux Moines, voici déjà plus d'une semaine que Jean et le seigneur de Rochefort, son sénéchal, encerclent la forteresse, une guerre d'usure avec de temps en temps le passage sur les rives de Béhuard du Roi anglais venant narguer ses adversaires. Parmi les soldats de Jean, il y en a un d'une force prodigieuse, Enguerrant Brisemoutier. Pour reconnaître la place et cribler de flèches les assiégés, chaque jour cet homme s'avance au pied du château. Il se protège d'un bouclier qu'un valet tient au-dessus de leur tête. Fort courroucé d'être nargué de la sorte, un des soldats du château a l'idée d'attacher une fine cordelette à un carreau d'arbalète tout en fixant l'autre extrémité à son corps. Quand Brisemoutier apparaît, il lui décoche sa flèche qui vient transpercer l'écu, puis tirant brusquement, il le fait choir dans le fossé avec son valet. Brisemoutier, sans protection, est criblé de flèches. Le Roi Jean, désolé de cette perte, dans sa colère fait ériger des potences devant les murs et menace les assiégés en jurant « par Les dents de Dieu qu'il y fera pendre s'ils ne rendent sur le champ ». Mais ceux-ci ne s'en émeuvent pas et se défendent avec encore plus de courage et de ténacité. Les jours suivants, l'armée anglaise subit de nouvelles pertes. La lassitude, le découragement prennent le pas sur l'excitation et la combativité des premières semaines.
Vers la fin juinn Louis, cantonné à Chinon reçoit un secours de quatre mille hommes amenés par Guillaume des Roches. Il décide alors de marcher vers l'armée anglaise et de la contrer.
Les éclaireurs de Jean l'avertissent que l'armée de Louis vient à leur rencontre et qu'elle est inférieure en force à la sienne. Ne pouvant donc rester à l'attendre à la Roche aux Moines, il décide alors de marcher au-devant et de combattre. Mais les barons angevins, Félons, refusent de le suivre. Savary de Moléon vient en leur nom lui dire qu'ils sont épuisés et ne peuvent entreprendre une telle expédition. C'est Aimery de Thouars qui aurait donné le signal de la défection. Toujours prêt à changer de parti, il se serait même adressé au roi d'Angleterre en termes insolents, le raillant de son ardeur belliqueuse et le traitant de vil ventard.
Quoiqu'il en soit, le roi ne peut plus faire face et lorsqu'arrivent les troupes du prince de France, débouchant de Bouchemaine et d'Épiré il se sent pris au piège entre les troupes françaises et le château. Les troupes de Jean d'assiégeantes deviennent assiégées. C'est d'abord l'hésitation, puis la panique. Malgré la présence de Jean sans Terre et du seigneur de Rochefort, leurs troupes font un repli plus tragique que stratégique.
Ce n'est plus une retraite, mais une fuite. On abandonne perrières, mangonneaux, matériel de guerre et provisions. Beaucoup de soldats se noyèrent ou furent tués tant était la confusion en repassant la Loire. Le seigneur de Rochefort y est mortellement blessé, Jean sans Terre lui-même est un moment considéré comme mort. Guillaume Le Breton raconte que lui-même courut à cheval dix-huit milles et n'osa par la suite s'approcher des troupes françaises tant sa frayeur fut grande. Louis et ses Français restent incontestablement les maîtres des lieux. Un message est dépêché sur le champ vers Philippe Auguste pour lui annoncer l'heureuse nouvelle.
De son côté, Jean sans Terre s'empresse de faire savoir au sien qu'il est toujours en vie, sage précaution pour sa couronne mal assurée. Il poursuit sa retraite laissant le maître de Rochefort agonisant dans son château. Le 27 Juillet 1214: Peu après, à Bouvines avec l'aide de la milice communale, Philippe Auguste remporte une victoire éclatante et ramène à Paris, enchaîné, le comte de Flandre. La bataille de la Roche aux Moines fut surtout une bousculade entre deux armées.
Mais il n'en est pas moins vrai que si l'armée française y avait été mise en déroute, la présence du roi anglais sur les terres angevines aurait privé la bataille de Bouvines d'une grande valeur politique et aurait certainement contribué à changer le cours de l'histoire. Louis, devenu maître de l'Anjou par la retraite des Anglais, ne songe plus qu'à reprendre les lieux. Il fera raser quelques places fortes et démanteler Angers. Le Pape Honorius III, partisan de Jean sans Terre et peu enclin à favoriser un Philippe Auguste qui ne le ménageait guère, ordonnera par une bulle en 1220 la destruction du château de la Roche aux Moines.
Décembre 1220, lettre du pape au prieur du Vieux-Parthenay, à Guillaume Desroches, qui menace le château de Rochefort-sur-Loire, appartenant au Roi d'Angleterre, ordonne de détruire la forteresse qu'il a élevée contre le souverain, et s'il refuse d'obéir, vous l'y contraindrez par censure ecclésiastique.
Mais Guillaume Desroches, par d'habiles tractations, obtiendra la remise de la censure et par la suite fera d'importants travaux pour fortifier le puissant château.
Le Renforcement du Pouvoir Royal
Le 18 septembre 1214, à la trêve de Chinon, l'Angleterre ne conserve sur le continent que le duché de Guyenne. Le domaine royal couvre désormais le tiers de la France et se trouve singulièrement agrandi et libéré de toute menace. Philippe Auguste continue à étendre son territoire qu'il dote d'une solide organisation, maîtrise la féodalité et la puissance temporelle de l'Église, fait de Paris la plus belle capitale de l'Europe. Il est devenu le plus puissant et le plus riche seigneur du Royaume.
Mais que devient l'Anjou ?
Par souci de le garder en la main royale, il est désormais dévolu à l'un des très proches parents du souverain. Le premier bénéficiaire, en 1227, est Jean de France puis, en 1246, Charles, tous les deux frères de saint Louis. Charles 1er, comte d'Anjou, fut célèbre par ses conquêtes napolitaines, balkaniques et méditerranéennes.
Issu d'une grande famille de la noblesse, il doit son ascension à la protection d'Henri III, qui a épousé sa sœur, Louise de Lorraine. Le roi favorise son mariage avec Marie de Luxembourg, héritière du riche apanage des Penthièvre et donc descendante des ducs de Bretagne, et dont le père fut gouverneur de Bretagne entre 1562 et 1569. Henri III lui cède le gouvernement de Bretagne en 1582, à seulement 24 ans, espérant pouvoir compter sur un allié fidèle en Bretagne en ces temps troublés de guerre civile.
Mais Mercœur est également un cousin des Guises, branche cadette de la famille de Lorraine, et animateur de la Ligue catholique. L'assassinat, sur ordre d'Henri III, du duc de Guise et de son frère le cardinal de Lorraine, le 23 décembre 1588, amène Mercœur à s'engager progressivement du côté de la Sainte Ligue, faisant entrer la Bretagne dans la guerre civile. Globalement, en effet, la Bretagne suit son gouverneur et passe dans le camp de la Ligue, à quelques exceptions notables, telles que Rennes, Vitré ou Brest.
Mercœur est révoqué de son poste de gouverneur en avril 1589, mais le roi a perdu la province et Mercœur continue à se considérer comme le gouverneur légitime. Il met alors en place une administration bretonne autonome à Nantes, concurrente de celle du Roi. Il se dote d'un véritable conseil de gouvernement, convoque les États de Bretagne, installe un Parlement. Il s'allie avec Philippe II d'Espagne. Il obtient par ce biais un soutien militaire de 7 000 hommes ainsi que d'importants subsides. Avec l'aide espagnole, il bat l'armée d'Henri IV en mai 1592, à Craon, dans le Maine.
Après la conversion d'Henri IV au catholicisme en 1593, il se trouve toutefois de plus en plus isolé. Il se soumet finalement à Henri IV par un traité signé à Angers le 20 mars 1598. Il renonce au gouvernement de la Bretagne en échange de plus de quatre millions de livres, une somme faramineuse, et au mariage de sa fille avec César de Bourbon, duc de Vendôme, fils bâtard d'Henri IV, qui devient à son tour gouverneur de Bretagne. Mercœur laisse une Bretagne ruinée par près de dix ans de guerre civile et part en Hongrie combattre les Turcs. Il meurt à Nuremberg en 1602.
Après la mort de Guillaume Desroches, sa fille aînée hérita de ce château, Mariée avec Amaury de Craon et devenue veuve, elle devint la seule femme d'Anjou sénéchal . Ne pouvant exercer elle-même cette charge, elle se fit remplacer d'abord par Richard le Clerc qui prit la qualité de bailly de Jeanne, dame de Craon, sénéchal d'Anjou et ensuite par Guillaume de Fougères.
Son fils Guillaume de Craon, surnommé le Grand, vicomte de Châteaudun, devint propriétaire de la châtellenie, vendit la Roche aux Moines en 1360 à Louis 1er, duc d'Anjou, d'où son nouveau nom de la Roche au Duc.
En 1410, la duchesse d'Anjou, veuve d'Aragon, reine de Sicile, la vendit à charge de rachat à réméré perpétuel à Charles seigneur de la Tour, pour la somme de onze mille livres. Cette terre fut vendue successivement à Jeanne de Sonde, puis à Jean de la Haye, seigneur de La Salle, qui y tenait résidence en 1422 avec une forte garnison commandée par le capitaine Jean de Brissay. Ce dernier au consentement, de Yolande d'Aragon et de son fils ainé Louis, la céda en 1431 à Jean de Brie, seigneur de Serrant et à Isabeau de Maillé, sa femme, pour la somme de cinq mille quarante-quatre revaux d'or. En mars 1465, une réunion s'y tient avec le duc de Berry, le duc de Bretagne, Dunois et d'autres seigneurs en guerre contre Louis XI, mais le bon Roi René leur conseille de faire la paix. En 1481, Louis XI offrit la place à son chambellan Ponthus de Brie, seigneur de Serrant, pour bon nombre de services qu'il lui avait rendus. L'endroit prend alors le nom de Roche de Serrant.
Vers la fin de 1589, les soldats du duc de Mercoeur, chef de la Ligue, confédération du parti catholique et adversaire de Henri III rallié aux Huguenots, occupent la forteresse de la Roche aux Moines. Le 13 décembre 1589, ils se rendent à Donnadieu de Puicharic, gouverneur d'Angers. Ce dernier installe une forte garnison qui, à son tour, attaquée par Mercoeur, se rendra le 25 décembre 1591. Mercoeur fera sauter les défenses ; au début de 1592, les royaux reviendront attaquer la forteresse qu'ils prendront.
En fin de 1592, le marquis de Belle-Ile, lieutenant du duc de Mercoeur, reviendra avec don Juan d'Aquila et 4000 Espagnols mettre le siège de ce qui restait de la forteresse. Les royaux cèdent, mais obtiennent de sortir « tambours battants, avec tous les équipages».
Source : Tudi Kernalegenn
S'étendait de la pointe du clocher de Saint-Saturnin jusqu'aux Lombardières, avec certains droits de péage. Le seigneur laissait à ses sujets de la vallée le droit de pacage dans les communs de Serrant, celui de tirer de la pierre ou de la terre pour la surélévation de leurs maisons afin qu'ils se préservent des inondations. Il leur laissait enfin le droit de pêche à poisson et de pêche à oiseau, cette dernière se pratiquant avec des filets. Les habitants de la vallée et du fief, par contre, lui devaient trois journées : l'une pour faner les prés, l'autre pour vendanger la célèbre Coulée de Serrant et enfin la troisième pour monter la garde de son château. Pendant ce temps, leur seigneur était tenu de « leur bailler une miche de pain et un pot de vin ». De même, les pécheurs lui devaient les premières prises du saumon et de la lamproie. La batellerie étant florissante, le seigneur percevait un péage de 12 deniers sur chaque bateau passant devant la Pierre Bécherelle.
Sénéchal Guillaume Desroches
Duc Louis II d'Anjou en 1370 par vente de Guillaume de Craon, héritier par alliance de Desroches
Pierre d'Avoir en 1383
Charles de la Tour en 1410 vente de Yolande d'Anjou
Jean de la Haie, sieur de la Salle, acquit au même titre en 1417 de Jeanne de Souday.
Jean de Brie 1431
La garnison de ligueurs occupait le château en 1589
Destruction du château le 23/12/1591 par le duc de Mercoeur et ensuite par le marquis de Belle-lle, lieutenant de Mercoeur, avec les bandes espagnoles de D. Juan d'Aquila, mais tout aussitôt des corvées d'habitants furent requise dans les paroisses pour achever de raser la place.
Le 5 janvier 1565, le frère de Charles de Brie, seigneur de Serrant, avait été assassiné. On accusa de ce crime Monsieur de Launay Lemaczon, procureur au siège du présidial d'Angers, qui fut emprisonné puis élargi sous Henri III ; le sieur de Serrant se ruina dans un interminable procès criminel qui lui fit perdre ses biens.
En 1603, ces dernières furent saisie spar Charles de Brie et achetées par un certain Scipion Surdini, d'origine italienne. Mais Surdini ne garda pas très longtemps le domaine qui passa en 1620 à Rohan de Montbazon ; celui-ci le revendit le 12 mars 1636 à Guillaume Bautru pour la somme de cent quarante et un mille livres tournois, qui le céda enfin à François-Jacques Walsh, ; Irlandais capitaine de la marine anglaise dont les descendants possèdent encore le château de Serrant à Saint-Georges-sur-Loire. L'adjudication eut lieu le 21 juin 1749 : Madeleine-Diane Bautru, veuve de François-Annibal duc d'Estrées, vendait pour la saune de huit cent vingt-quatre mille livres, Serrant de Saint-Georges-sur-Loire, avec ses dépendances dont la Roche-aux-Moines, à François-Jacques Walsh.
Le Roi Louis XV, au mois de mars 1755, érigea en comté la terre de Serrant au profit du nouvel acquéreur. François-Jacques Walsh mourut en 1782. Son fils aîné, Antoine Joseph-Philippe, hérita du comté.
Vers la fin du siècle dernier, les terres et dépendances du comté furent morcelées. La Roche aux Moines fut vendue et de nombreux propriétaires en furent acquéreurs ; citons parmi ceux-ci un certain Monsieur Benz, propriétaire d'usines en Allemagne, dont le nom associé aujourd'hui à celui des Mercédès est célèbre dans le monde entier, les familles de la Rochefoucault, Bougère, Jourdan, Gautreau, etc.
De la puissante forteresse construite par Guillaume Desroches, il ne reste qu'un pan de mur très épais en ardoises curieusement découpées, au sommet d'un rocher et une motte de terre ronde, encore entourée de ses douves étroites et profondes. L'entrée d'un souterrain encore visible devait, dit-on, communiquer avec le château de Serrant. Le tracé de la voie ferrée en 1843, acheva de dévaster la double courtine qui existait encore. Les armes des seigneurs de Serrant, étaient gravées sur les hauts chenêts de leurs cheminées. Lors de la destruction, le soldat qui s'en était emparé, les trouvant sans doute trop lourds, les avaient jetés dans la Loire. Ils furent retrouvés par les ouvriers des Ponts et Chaussées lorsqu'ils draguèrent le fleuve devant les ruines du château.
Source: H.C.L.M. - Bulletin n° 3 - décembre 1984 Documentation, études, recherches de : P. JOUY, H. LAPART, J. MARCOT & A. RABAUD Bibliographie : journal de Louvet, l'Anjou par le baron de Wismes, Dict. hist. de M & L par Célestin Port, revue d'Anjou, Histoire de France de H. Decaux, Castelot, Petite Histoire de l'Anjou de J. Levron./
La famille Jourdan, qui était devenue propriétaire de l'ancien domaine de la Grande Salle, s'adressa en 1834 au grand architecte Edouard Moll, à qui l'on doit de nombreuses et prestigieuses constructions en Anjou, notamment la chapelle de l'hôpital d'Angers et le château de la Bizollière à Savennières. Il abandonna et rasa les anciennes bâtisses pour en construire une nouvelle dans l'axe de la grande allée de cyprès, qui devint l'axe principal d'une grande composition de tout le secteur, écornant au passage les fossés du vieux château fort. Cette belle et grande nouvelle demeure de 28 mètres par 10 environ a pris aujourd'hui le nom de « Domaine de la Roche-aux-Moines » propriété de Mme Joly, épouse du docteur Antoine Joly, ancien maire de Savennières de 1965 à 1971.
La vue, profitant alors pleinement du site, s'étend au levant sur le vignoble et les ruines avec en fond la célèbre Coulée de Serrant, au midi sur des jardins en terrasses, les îles de Béhuard et les coteaux de Denée et enfin au couchant sur un paysage unique de la vallée jusqu'à Montjean où le fleuve se perd à l'horizon. Moll conserva le puits daté et utilisa les terrasses pour aménager les services dans un rez-de-chaussée bas et les pièces principales dans un rez-de-chaussée haut entouré d'un balcon périphérique. C'est à lui sans doute que l'on doit également la plantation de l'allée de cyprès qui donne tant de caractère et de grandeur désormais à l'ensemble du site.
Source : J.MARCOT
René-Sébastien Le Tourneux de la Perraudière Né le 22 février 1776 à Angers ,49, décédé le 6 août 1843 à Savennières, 49, à l'âge de 67 ans, Conseiller général Maine-et-Loire, maire de Savennières.
Famille
Marié le 2 août 1798 à Angers, avec Marie Laboureau des Brétèches (1781 - 1799), dont René-Désiré (1799 - 1844)
Marié le 31 janvier 1803 à Angers avec Guyonne Delorme (1777 - 1837), dont Adolphe (1809 - 1880).
Le joli manoir seigneurial du « Domaine aux Moines » fut édifié peu de temps avant la Révolution, entre 1763 et 1789 comme l'atteste l'acte de vente aux enchères publiques du 29 mars 1791, après confiscation en tant que bien national, qui mentionne : La maison de la Roche-aux-moines sise paroisse d'Epiré, composée d'un grand bastiment de nouvelle construction, une grange où est un pressoir, une cour d'entrée en laquelle est une chambre, un bas jardin au levant de ladite cour, un autre jardin et parterre au nord de ladite maison, au coin duquel est une douve. Le tout dans un tenant contenant environ deux boisselées, y compris les emplacements des maisons , le pressoir, les portoires et ustancilles dudit pressoir. Plus un clos de vigne .
Il a, sans doute, remplacé sur ses fondations une construction plus ancienne figurant sur le plan géométrique du fief de la Roche aux Moines daté de 1763. L'ensemble, bâtiments et vignoble enclos de murs, soit 7 ha environ, tel qu'il se présente encore aujourd'hui, fut acquis alors par Léonard Jean Chevalier. Au décès de celui-ci, le 7 août 1828, sa fille Éugenie Chevalier de la Petite Rivière en hérita et l'apporta, par contrat de mariage en communauté universelle du 7 juin 1840, à son mari Théodule Bauvais de la Fleuriaye qui fit moderniser le château au goût du jour. Ce dernier est décédé le 4 février 1874 et sa veuve 24 ans plus tard, le 8 août 1898. À la suite d'un partage du 2 novembre 1898, la propriété est revenue à Yvan Bauvais de la Fleuriaye, qui l'habita et y mourut le 3 janvier 1925.
M. Georges-Alexandre Benz-Bischel, le constructeur d'automobiles allemand, l'acquit alors le 22 août 1925, puis le revendit en 1928 à M. Roger Faure, architecte, qui restaura habilement la demeure et dessina, vers 1930, le jardin tel qu'il subsiste encore aujourd'hui. Il y vécut avec sa mère et mourut pour la France le 27 mai 1940, laissant cette dernière pour seule et unique héritière. Mme Faure apporta alors la propriété à une société civile immobilière qu'elle constitua avec Mlles Claude Gallay ,et Violette, sa fille et ses nièces, et dont les actuels propriétaires prirent le contrôle en novembre 1981.
Le bâtiment principal est sur un plan rectangulaire, à rez-de-chaussée surélevé plus un étage droit, avec une large terrasse en avancée au sud-ouest, remblayée en 1930. On y accède de plain-pied ; l'autre terrasse plus petite, à l'arrière, donne sur un très beau jardin à la française auquel on accède par des emmarchements à double volée. La cour d'entrée, jadis fermée par un portail en bois dans l'axe du bâtiment, a été déportée au nord et donne sur le chemin communal de La Roche-aux-Moines à travers un joli portail avec grille en fer forgé surmontée d'un baldaquin à francisques reliant deux piliers en tuffeau. Au nord sont les communs de l'exploitation comportant cellier, pressoir, caves et logement de gardien dans un long bâtiment du XIXe à étage avec vaste lanterneau central.
Un grand potager s'étend derrière au nord-ouest tandis qu'un bosquet longe au sud, derrière un haut mur, le chemin de la Roche-aux-Moines. Ce bosquet possédait jadis une chambre de verdure ronde. L'ancienne douve annonce l'allée principale du vignoble qui s'étend jusqu'à la Coulée de Serrant. Un labyrinthe en rond sur une petite butte agrémentait autrefois les jardins redessinés dans un style florentin avec bassin central rectangulaire remplaçant d'anciennes douves alimentées par un ruisselet persistant et où frétille une myriade de poissons rouges.
Sous le nom de "Logis de la Cour" donné par Mme Faure, sont inscrits à l'Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques, les façades et toitures du logis et des communs, le portillon de bois conduisant de la terrasse antérieure au jardin, le jardin en terrasse avec la charmille conduisant au vignoble, la salle à manger avec son très haut poêle lorrain décoré de scènes de chasse, le salon et la bibliothèque avec leurs décors empire, notamment une cheminée en marbre noir et blanc surmontée d'un miroir, qui avait été enlevée et vendue à la Révolution puis récupérée par la suite.
Bien que pratiquement au point culminant de tout le secteur de la Roche-aux-Moines, mais distant de 350 à 400 m. des fortifications et des quelques ruines qui subsistent encore de l'ancienne forteresse, ce domaine n'a jamais eu de rôle militaire. Il est resté, semble-t-il, sans rapport avec le système défensif des fortifications voisines et fut simplement l'hôtel des religieux ou Maison seigneuriale des abbés de Saint-Nicolas qui ne l'occupèrent que comme résidence d'été à proximité de la célèbre Coulée de Serrant et de leur prieuré du Vieux Serrant.
J. Marcot
Source : Histoire des Coteaux de Loire et du Maine
Situé dans le bas d'une petite colline, non loin du vieux château de La Roche-aux-Moines, c'est l'ancien monastère des moines cisterciens établis là à la fin du 12e siècle.
L'ordre cistercien joue un rôle de premier plan dans l'histoire religieuse du XIIe siècle. Par son organisation et par son autorité spirituelle,il s'impose dans tout l'Occident jusque sur ses franges. Son influence se révèle particulièrement forte à l'est de l'Elbe, où l'ordre fait « progresser à la fois le christianisme , la civilisation [occidentale] et la mise en valeur des terres ».
Fief et manoir sont vendus le 26 mars 1562 à Jean de Ledevin de Villettes par le sieur de Serrant qui les rachètera le 23 juin 1575. Vers la fin du XVIIIe, Théobald Walsh de Serrant amènera une nouvelle vigne, le Verdelho de Madère qui a pris depuis tous les caractères du pineau d'Anjou. Le sous-sol particulier est composé d'un schiste métamorphique, mélange de talc vert, d'oxyde de fer et de mica sericite. Les moines cultivaient la vigne en terrasse, sur le coteau tourné vers le sud et le sud-ouest ; leur méthode de culture leur valut le surnom de «moines étagers».
Les vins de la Coulée de Serrant ont de tous temps obtenu la réputation d'être les meilleurs vins blancs de la région, vins tout en finesse et délicatesse, des plus recherchés en France et à l'étranger. Une vigne plantée autrefois sur le versant Est donnait un vin sec et amer dit Vert-Boyaux ou Tord-Boyaux.
Le Roi Louis XIV, au retour d'un voyage à Nantes, voulut s'y arrêter pour goûter ces célèbres vins. Les chemins n'étant pas très carrossables, le carrosse du Roi-Soleil s'embourba, le monarque en conçut quelque amertume et grands déplaisirs.
Il reste aujourd'hui un ensemble de bâtiments superbes au creux de la vallée. Une tour carrée avec porche en plein cintre sert d'entrée d'un grand bâtiment aux murs à contrefort, murs de plus d'un mètre d'épaisseur, avec une importante et imposante charpente. Reste aussi l'ensemble des 7 cellules de moines. Une entrée de souterrain semble se diriger vers le vieux château de la Roche aux Moines.
Dans les communs, servant de logis, subsiste le petit Oratoire des Moines. Dominant la Coulée de Serrant, à plus de 70 mètres au-dessus de la Loire, se trouve, d'après certains géologues, un ancien volcan. Cette thèse semble se confirmer par la présence dans le sol des environs de nombreuses roches volcaniques.
Source : Publié le 13 mars 2011 par HCLM
Nous ne possédons aucun document qui nous renseigne exactement sur l'époque à laquelle ce coteau fut, pour la première fois, planté en vigne. Le duc Louis de la Trémoille, légataire du comte Walsh de Serrant, vers 1890, racontait qu'un de ses aïeux, Louis II, duc d'Anjou, gouverneur de Bourgogne, vers la fin du XIVe siècle, et seigneur de Rochefort et de la Possonnière, aurait apporté de Bourgogne à la Roche-au-Duc un « plan de Beaune ». J'ai trouvé, en effet, dans les Archives de Serrant, diverses notes relatives à la plantation du « clos de la Bourgoigne », désignation qui est une allusion évidente au fait qui vient d'être signalé, la parcelle où le plant de Beaune avait été planté ayant reçu un nom qui en rappelait l'origine.
Un autre document établit que, vers la fin du XVe siècle, les « moines étagers », comme on les appelait, se plaignent qu'un orage ait arraché des ceps dans la Coulée.
En 1793, il n'était plus question, bien entendu, de la Roche-aux-Moines ou de Roche au Duc, mais le clos était désigné sous le nom très caractéristique de Roche vineuse.
De tout ceci, on peut conclure que, de très bonne heure, le coteau fut planté en vigne et que, très probablement, sous l'active impulsion des moines de Saint-Nicolas, dès le XIIe siècle, la Coulée de Serrant étalait ses pampres au soleil. Les rudes hivers de 1776 et de 1789 lui ont été funestes ; un très grand nombre de pieds de vigne furent gelés.
La légende du Verdelho de Madère.
Une autre question très controversée de l'histoire de la Coulée, c'est de savoir si, à un moment donné, au lieu d'être plantée en pineau de la Loire, comme les vignes voisines, elle n'avait pas reçu un encépagement différent.
Une légende veut, en effet, que, vers la fin du XVIIIe siècle, la Coulée ait été plantée par Théobald Walsh de Serrant en Verdelho de Madère. En réalité, d'après les renseignements que j'ai pu recueillir, le comte de Serrant rapporta d'un voyage qu'il fit à Madère quelques plants de Verdelho, qui furent cultivés non pas en pleine vigne, mais en espalier, contre un mur du clos. Et lorsqu'un propriétaire voisin, M. Guilbaut, désira faire dans son clos de la « Goutte d'Or» une petite plantation de Verdelho de Madère, ce fut seulement sur les quelques pieds cultivés en espalier, que M. Suaudeau, régisseur du domaine, recueillit les boutures nécessaires.
Le fils de mon très distingué prédécesseur à la direction de la Station viticole de Saumur, M. Deperrière, se rappelle que lorsqu'il était tout jeune homme, son père l'avait mené à la Coulée de Serrant et lui avait montré, au bas du grand clos, un tout petit carré planté en Verdelho de Madère, peut-être une soixantaine de pieds. En outre, disséminés çà et là dans le clos quelques pieds de ce cépage, soit environ un pour cent, évidemment employés à remplacer les pieds morts.
En réalité l'ensemble, de la Coulée de Serrant a toujours été planté en Pineau de la Loire, et c'est ce qui explique cette phrase, tout au moins singulière, de Célestin Port, lequel au sujet du Verdelho de Madère « a du reste, dit-il, pris aujourd'hui à peu près tous les caractères du Pineau du pays » . Cette transformation du plant de Madère en plant d'Anjou ne sera pas sans étonner les viticulteurs.
Étendue, orientation et produit de la Coulée.
L'ensemble de la Coulée comprend sept hectares : le Grand Clos (quatre hectares), les Plantes et le Clos du Château (trois hectares). Le sol en est schisteux avec des veines de cailloux de grès très durs (phtanites) et de roches granitiques.
La principale partie du vignoble, la Coulée proprement dite, admirablement orientée, offre une courbe horizontale qui, du midi, tourne au couchant. En face d'elle, séparée par un vallon, se voit la « Roche aux Moines» actuelle, dont la partie orientale lui renvoie les rayons du soleil levant. Sous la direction des Walsh de Serrant, la vigne ne rapportait que très peu, soit en moyenne une quinzaine de pièces par an ; c'est le chiffre, entre autres, de la récolte de l'année 1753.
Il était alors de tradition que la vigne devait se suffire à elle-même et que nul besoin n'était d'apporter à la terre des aliments en proportion de ce qu'elle lui empruntait annuellement pour sa nourriture, et qu'au surplus, graisser une vigne, c'est diminuer la qualité de son produit. Aussi, la famille de Serrant avait-elle signé un contrat en vertu duquel elle cédait pour une période de neuf ans, qui fut prolongée de neuf autres années, soit de 1850 à 1867, à la maison Frémy, de Chalonnes, la totalité de la récolte, d'après un prix uniforme et forfaitaire, ne se réservant pour elle-même « qu'une barrique » par an, le concessionnaire prenant l'engagement de cultiver la vigne et de lui faire donner les façons voulues, mais en « s'interdisant de la graisser ».
La vendange s'y faisait toujours tardivement, vers la fin d'octobre ; on attendait que les raisins, généralement très petits, fussent en partie desséchés, à moitié cuits par le soleil. On obtenait ainsi un vin d'une qualité rare, à laquelle contribuaient un sous-sol schisteux, qui emmagasinait volontiers la chaleur, et une magnifique exposition méridionale.
À partir de 1867, le marché avec la maison Frémy étant arrivé à son terme, le vin de la Coulée fut mis directement à la disposition des amateurs, propriétaires, marchands, maîtres d'hôtel, cafetiers. On vendait par pièces ou par demi-pièces, et le tout était facilement enlevé par les gens du voisinage ; quelquefois, les acheteurs venaient des départements limitrophes.
Ce vin jouissait d'une grande réputation. Au bout de cinq à six ans de bouteille, il possédait tout son mérite ; à une magnifique couleur ambrée, à un parfum exquis s'ajoutait un goût où l'on retrouvait, avec celui du raisin bien mûr, une chair, une ampleur, qui laissaient au palais un souvenir inoubliable. Et c'était, en outre, un vin de longue garde. Au bout de quarante-cinq années, il avait encore toute sa valeur. La Coulée de Serrant était le joyau de nos vins blancs, c'était, peut-on dire, le Château-Yquem de l'Anjou.
En 1887, La Coulée fournit près de quarante pièces. Il est vrai que, depuis quelques années, le contrat passé avec la maison Frémy ayant cessé de courir, les propriétaires revenant à une plus exacte notion des exigences de la vigne, firent d'assez copieuses fumures sur une surface importante du Grand Clos.
Mais, déjà, le phylloxéra était dans la place, et le vin de cette année 1887 ne donna pas en bouteilles ce qu'il promettait en moût.
De 1889 à 1891, on essaya de sauver la vigne par des traitements au sulfocarbonate de potassium; ce fut sans succès. En 1892 et 1893, la récolte fut nulle.
En 1894, on commença la reconstitution en plant greffé sur Rupestris, par le « Clos de Vire-bouteille » depuis longtemps en friche.
C'est alors que le duc de la Trémoïlle, nouveau propriétaire de Serrant, se décida à se défaire de la Coulée et la vendit à MM. Colin, d'Angers et Rousseau-Colin, de Saint-Florent-le-Vieil, qui le plantèrent en Chenin blanc greffé sur Rupestris. À la mort de M. Colin, M. Laurent Bougère, député de Maine-et-Loire, se rendit acquéreur du célèbre Clos. Il lui fit donner des soins éclairés et procéda à une remise en état qui est actuellement poursuivie avec activité.
Il n'est que juste d'affirmer que, depuis sa reconstitution, la Coulée de Serrant a retrouvé en grande partie son mérite passé et redevient digne de son antique réputation.
Les prix de vente, comme toute autre denrée, le prix de vente de la Coulée de Serrant a beaucoup varié.
Les archives du château de Serrant nous apprennent qu'en 1753, la vente de quatorze barriques, sur les quinze qui avaient été récoltées, se monte à 525 francs, soit 37 Fr. 50 la barrique. Aujourd'hui, on n'aurait pas une barrique pour le prix total des quatorze de 1750. On peut s'étonner d'un aussi bas prix pour un vin d'une telle qualité. Il est vrai qu'à cette époque, la journée de vigneron se payait 10 sous, une journée de cheval 16 sous, qu'une potée de beurre pesant 20 livres se vendait pot et beurre 4 francs, et enfin que le prix d'un porc était de 33 francs. Les acheteurs étaient des avocats d'Angers, des chanoines de la Cathédrale, des curés de la ville et quelques négociants.
Mais, quelques années plus tard, le prix avait monté, comme en témoigne cette curieuse et touchante lettre du 6 novembre 1785 adressée par le curé de Feneu au comte de Serrant.
Monsieur,
Celui qui fait les affaires de Mesdames de Vernes et de Caquerai est allé à Serrant et a goûté votre vin de la Coulée, qu'il a trouvé excellent. Votre intendant lui a dit que vous en aviez fixé le prix à 100 francs la barrique ; je n'ai pas le moyen d'y mettre ce prix; j'engagerais ma conscience et je ferais tort aux pauvres de ma paroisse en buvant du vin si cher. Il faut en pareil cas se borner au vin ordinaire. Quand j'ai eu l'honneur de vous en parler à la Thibaudière, je ne croyais pas que le vin de la Coulée put passer 60 francs la busse, c'est-à-dire le double des autres bons vins ; et j'aurais partagé avec mes voisins ; mais je suis forcé à n'y plus penser.
J'ai l'honneur d'être, avec un profond respect, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.
Signé: H. PETON, Curé de Feneu.
Je crois bien qu'on a fait en faveur du curé une diminution sur le prix de 100 francs, car en marge de cette lettre, je vois une annotation d'une autre encre et d'une autre main : « 80 francs au moins ».
Cette concession a-t-elle décidé le bon curé de Feneu ? Les archives de Serrant ne le disent pas.
De cette lettre, il résulte donc qu'à cette époque les « bons vins d'Anjou » se vendaient 30 francs la barrique ; que le vin de la Coulée avait une réputation telle qu'il se vendait le double des autres ; que 100 francs était à cette époque une bien grosse somme, et que le curé de Feneu était un excellent curé, qui ne voulait pas détourner de ce qu'il regardait comme le patrimoine des pauvres de quoi satisfaire son goût personnel.
Plus heureux que son collègue de Feneu, le curé d'Epiré, sur la paroisse duquel se trouvait la Coulée, avait droit à la « dixme » de la récolte, soit dix pintes par quartier de vigne.
Après la note pathétique, la note gaie, pour finir.
On dit que l'impératrice Joséphine raffolait du vin de la Coulée de Serrant, et contribua pour une large part à sa réputation, témoin ce couplet du temps, qui pour n'être pas d'une haute poésie, n'en constitue pas moins un petit document historique amusan t:
Quand Madame Joséphine.
À l'humeur un peu chagrine.
Elle boit un petit coup.
C'est son goût.
Après tout !
Alors le chagrin passe.
La gaîté le remplace.
Grâce au joli vin d'Anjou !
Déjà, en 1836, du vin de La Roche-aux-Moines, avait été envoyé à la Martinique avec un plein succès. Cette estime que l'on avait au XVIIIe siècle pour les vins blancs de la région de Trélazé et d'Andard se trouve confirmée dans une publication anonyme de la même époque (1787).
1843. — Guillory crée dans sa propriété de la Roche-aux-Moines, en vue d'essayer leur acclimatation en Anjou, une nombreuse collection de variétés de cépages. Plusieurs ont pleinement réussi : Cabernet, Sauvignon, Gamay. .
Voici le classement que l'on y établit parmi les vins d'Anjou :
1re classe: Coulée de Serrant
2e classe: Pihardy, le Miroir (Andard), Trélazé, Bonnezeaux
3e classe: Quarts de Chaumes, Roche aux Moines
4e classe: Maligné, Saint-Barthélemy, Faye, Rablay;
5e classe: La Possonnière, Beaulieu, Saint-Lambert-du-Lattay, Saint-Aubin-de-Luigné, Epiré, Savennières, etc..
Source :M. Guillory : Les Vignes et les Vins
Rapport fait au nom du Comité de viticulture et d'œnologie de la Société industrielle, sur les expériences de M. Guillory aîné, concernant la culture et les produits de nouvelles espèces de vignes introduites dans le département de Maine et-Loire, par M. Louis TAVERNIER.
Messieurs
Dans votre séance du mois de janvier dernier, M. le Président de notre Société vous a communiqué une note détaillée sur les expériences qu'il pratique depuis quinze ans dans ses vignes de la Roche-aux-Moines. Nous connaissons tous le dévouement avec lequel M. Guillory consacre son temps et sa fortune à réunir et à fortifier tous les éléments de progrès ; nous sommes témoins chaque jour de son zèle que rien ne saurait démentir et nous sommes toujours heureux de saisir l'occasion de rendre hommage à ses efforts si souvent couronnés de succès.
Aussi, vous avez accueilli avec la plus vive sympathie l'intéressante communication de notre Président et vous vous êtes associés avec empressement à l'opinion du comité d'œnologie qui a exprimé la nécessité de consigner ce mémoire dans les actes de la Société, et le désir de le voir admis au concours de la Société impériale et centrale d'agriculture pour l'introduction de nouvelles espèces de vigne dans nos départements.
Cependant, M. Guillory a cru devoir compléter son oeuvre, en appelant le comité d'œnologie à vérifier par lui-même les assertions émises dans le mémoire. À cet effet, il a invité les membres de ce comité à se rendre à La Roche-aux-Moines, au moment où les vignes étaient en pleine production. La visite a eu lieu le 21 septembre dernier, et j'ai été chargé par mes collègues, malgré mon insuffisance, de vous en rendre compte.
Afin de me tirer de l'embarras que me cause ce travail, j'avais pensé d'abord à vous décrire le site ravissant de la demeure de M. Guillory, chalet pittoresque suspendu à mi-côte, de la galerie duquel l'œil embrasse un vaste horizon, une série de paysages enchanteurs, que la Loire coupe de son large ruban argenté. Je vous aurais montré à vos pieds le chemin de fer incessamment animé par le passage des convois, marquant leur trace dans l'air par de longues et blanches traînées de fumée ; plus loin, les bateaux sillonnant en tous sens le fleuve, et donnant au tableau une vie continuelle. J'aurais saisi l'occasion de rappeler Béhuard et la chapelle de Louis XI, Savennières et son église au portail romain, Rochefort avec le souvenir de son château, tous ces vestiges nombreux de notre histoire qui frappent nos yeux. Je n'aurais pas manqué surtout de mentionner avec gratitude le gracieux accueil que notre comité a reçu de l'aimable famille de notre Président et les heures charmantes que nous avons passées sous son toit hospitalier.
Mais ni vous, Messieurs, ni le comité dont je suis l'organe, ni votre Président lui-même, personne ne se fût contenté d'un semblable détour. Je vous prie donc de vouloir bien pénétrer avec moi dans les vignes d'expériences de M. Guillory. Elles sont situées sur les deux flancs d'un vallon qui court vers le Nord. À notre droite d'abord, une côte assez escarpée a été ingénieusement disposée en terrasses superposées. Il a été obtenu ainsi une horizontalité de sol plus favorable à la culture en même temps qu'agréable à l'œil.
C'est là que M. Guillory avait essayé le Noirien ou Pinot fin de Bourgogne. Vous savez qu'il a dû y renoncer à cause de l'incompatibilité du terrain. En effet, les ceps que nous avons visités et qui sont le reste d'une plus grande plantation, ne portaient que des grappes rares, d'un grain petit et serré. Le Noirien arraché, a été remplacé par du Carmenet-sauvignon qui pousse avec une grande vigueur et dont les sarments encore jeunes se soutiennent admirablement. M. Guillory fait grand cas de ce plant et se promet de le multiplier considérablement. Le comité en a vu sur un autre côteau en pleine production, de l'âge de six à sept ans, et il a jugé que si, par la qualité du vin qu'il a dégusté et par le bon port de ses sarments, le Garmenet-sauvignon a un mérite incontestable, il ne donne cependant qu'un produit trop restreint pour la majorité des propriétaires de vignes.
Ce plant conviendra à merveille à ceux qui veulent des vins plus délicats et pour leur propre consommation. Mais il est douteux que, dans les conditions de nos vignobles, il offre des avantages pour la vente courante. Toutefois, il faut savoir gré à M. Guillory de son expérience si complète ; car beaucoup de propriétaires aisés pourront en profiter. Le Carmenet-Sauvignon a surtout le mérite d'une maturité plus précoce que nos pinots ordinaires. En outre, comme il est une variété très rapprochée du Breton, qui produit les vins estimés de Champigny et de Bourgueil, il jouit, comme ce plant, de la précieuse propriété de bien former, d'être peu sujet à la coulure et de résister à l'humidité.
Ce sont là des qualités qui lui donnent certainement une valeur propre à le faire rechercher dans beaucoup de circonstances. Avant de quitter le côteau en terrasses, qui est exposé à l'ouest, je signale au pied des murs inférieurs, une plantation très productive de Mâlain, quoiqu'elle ne soit âgée que de trois ans.
Après avoir traversé le chemin qui est au fond du vallon, nous montons sur un côteau exposé au Sud-Est. Là, nous nous trouvons sur-le-champ au milieu de deux plantations, l'une de plants de Mâlain, à gauche, l'autre de Liverdun, à droite. Ces deux plants appartiennent à une même famille, connue sous le nom de Gamay. Ils ont des qualités très rapprochées, tant pour leur tenue, leur production que pour leur maturité précoce. De part et d'autre, les ceps étaient chargés de grappes au grain serré, très colorées. Le Liverdun a le grain plus gros que le plant de Mâlain ; mais celui-ci a le goût plus doux et plus sucré. Le comité a été émerveillé de l'abondance de la production, surtout du premier de ces plants, et aussi de la maturité qui était complète au moment de sa visite. Il n'hésite pas à déclarer que ce sont des variétés précieuses qu'on ne saurait trop propager dans l'Anjou, surtout aujourd'hui que le goût du vin rouge paraît s'étendre de plus en plus.
Le comité a dégusté avec le plus grand soin, le vin qui est résulté l'année dernière du mélange des deux plants. Ce vin a une couleur excellente, un léger bouquet, une force suffisante, et s'il se conserve bien, il perdra la verdeur qu'on pourrait lui reprocher, verdeur qui tient à sa jeunesse et à sa tenue en fût.
En tous cas, et tel qu'il était, ce vin a paru au comité être très supérieur à la plupart des vins rouges consommés dans les auberges. Par conséquent, sa vente est facile, et de plus, elle est avantageuse en raison de la fécondité des plants. Ces motifs ont déterminé le comité à recommander avec chaleur l'extension de ces plants et à vous proposer de remercier tout particulièrement votre Président de les avoir introduits dans le département et d'en avoir démontré les qualités par sa persévérance à les cultiver.
Cependant, le comité ne se dissimule pas une difficulté que rencontrera la propagation du Liverdun et du plant de Mâlain.
Ces espèces ne se tiennent pas et exigent des échalas. C'est une dépense. Mais, d'une part, cette dépense est compensée par une production environ cinq fois plus considérable que celle de nos Pinots blancs, et, d'autre part, elle est amoindrie par la facilité qu'on a dans ce département à se procurer des tuteurs en ardoise dont la durée est éternelle.
Le vignoble dans lequel nous nous trouvons contient encore du Carmenet-sauvignon dont j'ai parlé, des Pinots du pays, remarquables par leur bonne culture, des plants bordelais connus sous le nom de Merlo de Verdot et de Gros noir ou Pied de perdrix. Ces trois derniers plants, beaucoup moins productifs que les Liverdun et les plants de Mâlain, ont été vus avec intérêt par le comité ; mais M. Guillory, ayant reconnu lui-même les inconvénients qu'ils présentaient et renonçant à les cultiver par les raisons qu'il a exposées dans son mémoire, le comité n'a vu aucun motif pour insister.
Je dois encore mentionner une plantation très intéressante, sinon au point de vue de la grande culture de vignoble, au moins sous le rapport du raisin de table ; c'est celle du Muscat-Caillaba. Ce cépage mûrit en pleine vigne, sans soutien, et est d'une rare précocité. Ses grappes étaient mûres, lors de notre visite, et le raisin était très agréable au goût. Cultivé ainsi dans les environs d'Angers, il serait d'un produit avantageux.
Passant sur le Pinot d'Espagne, dont M. Guillory abandonne la culture, le comité a remarqué la Varenne de la Meurthe. Ce plant, qui est souvent mélangé avec le Liverdun, est moins fécond à cause de la petitesse de ses grappes et de ses grains ; mais il paraît se contenter d'un sol moins profond. C'est une qualité qui le recommande.
Le comité a regretté de n'avoir vu que des échantillons de Pinot gris ou Burot de Bourgogne, dont le goût lui a paru agréable. Mais la petite quantité conservée par M. Guillory était sur un point trop éloigné.
Nous ne quitterons pas le vignoble dans lequel nous nous trouvons, sans signaler un excellent drainage en pierres sèches qui, malgré sa simplicité, assainit depuis plusieurs années un sol très sujet à l'humidité par suite des eaux qu'il reçoit des parties supérieures de la côte.
En résumé, Messieurs, votre honorable président a consacré depuis plus de quinze ans environ trois hectares à des expériences qui auront acquis à notre département des cépages à la fois précoces et rustiques : les uns, comme le Carmenet-sauvignon, pour les vins de choix, les autres, comme le Liverdun et le plant de Mâlain, pour les vins rouges communs.
Déjà, par ses soins, près de 40 000 crossettes de ces cépages ont été réparties entre une vingtaine de propriétaires, dans treize communes du département. Ce sont là des résultats que votre comité a été heureux de constater et pour lesquels il vous demande un témoignage spécial de reconnaissance envers leur auteur.
Ce témoignage, vous le donnerez en décidant immédiatement que les conclusions de votre comité d'œnologie, seront inscrites dans votre bulletin et en contribuant, chacun pour sa part, à la propagation des espèces de vignes qui ont été signalées.